Canales et Rojas

Un mano a mano de la liberté à la beauté

Un spectacle mitigé mais bouleversant le cours normal des choses : le très attendu « Mano a Mano » entre Antonio Canales, maestro du baile flamenco, et la jeune étoile montante Amador Rojas a provoqué une belle pagaille dans le public de la Grande Halle de La Villette. « Du grand n'importe quoi » est l'impression laissée par ce spectacle, servi par deux bailaores d'exception et des musiciens hélas ! Peu vivaces ce soir-là.

Après un début très prometteur où Rojas reçoit l'alternative de Canales, dans un échange de capote qui sera le fil conducteur et l'objet de la transmission, le mano a mano se déroule dans une succession de solos qui font regretter des affrontements entre deux danseurs qui incarnent deux personnalités et générations et deux physiques tout en contraste. Les musiciens, hormis le violoniste Raul Marquez, semblent quelque peu désorientés malgré l'énergie des deux danseurs. Cela provoque un déséquilibre avec les danseurs et laisse l'impression qu'ils ne sont pas « en place », ensemble.

Antonio Canales est un habitué dans l'exercice du parrain, du passeur (Sara Baras, Juan de Juan..). En mettant en avant une personnalité comme Amador Rojas, il choisit la liberté et la beauté, la sauvagerie gracieuse plutôt que la technique policée et bienséante. Il choisit une bête de scène magnifique qui a tout à donner. Et surtout il choisit l'Âme, et l'âme d'Amador Rojas est toute à la beauté et à l'expression de « son » art : dans le choix de ses costumes, dans sa démarche, dans son amour de la scène, dans sa manière de mêler le baile flamenco à ses références classiques et actuelles. Rojas démontre son savoir-faire technique au cours d'un solo où il finit torse nu et dans lequel il a tout le loisir de nous montrer ce qu'il sait faire : zapateado, danse classique, rythmes afro-cubains, danse orientale, le tout agrémenté d'oeillades coquines, de glamour et d'humour.

Amador Rojas est à l'aise dans tous les styles dans un solo un peu long suite auquel une partie de la salle s'en va, pensant que le spectacle est fini. Une salle partagée entre ceux qui saluent le charismatique bailaor aux allures de Nijinski et ceux qui n'y trouvent pas leur compte, pensant s'être égarés dans un spectacle de danse contemporaine...La reprise semble difficile, les musiciens entament une buleria dans laquelle ils semblent être plus à l'aise. Enfin, Canales reprend le flambeau, et atteste que malgré la fatigue et l'usure physique, il reste un maestro. Ce soir-là, une partie du public a ovationné la grâce et la bête de scène, l'autre n'y pas vu le flamenco qu'elle voulait voir.

Si Amador Rojas possède la fougue des débutants malgré une carrière déjà bien pleine, Antonio Canales n'a rien perdu de sa verve. Un petit souffle ingénu, provocateur et libertaire a soufflé dans leurs interprétation respectives (on a même pu voir un hommage furtif à Mickael Jackson venant de la part de Canales). Deux grands danseurs qui valent le déplacement et qui aurait mérité un accompagnement musical à la hauteur de leur audace.


Nathalie Garcia Ramos, le 06/05/2011

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Equipe artistique

Baile: Antonio Canales, Amador Rojas
Guitare: Jesús de Rosario, Iván Losada
Cante: Antonio Ingueta, Miguel de la Tolea
Violon: Raúl Márquez
Cajon: Antonio Suarez


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