Je suis très heureux de ce dernier festival, je suis ravi, j’ai beaucoup de plaisir, je m'arrête au bon moment je crois, parce que ça devient un peu difficile pour tout le monde, pour les artistes, pour nous qui dirigeront des institutions comme celle-ci. C'est une période qui s'ouvre, qui n’est pas facile. Je pense que l’après-COVID c’est terrible en fait, parce qu’il y a beaucoup de choses qui se sont perdues pendant le COVID et qu'on ne va pas retrouver, et qu'il va falloir réinventer. Et je trouve ça très bien que d'autres personnes arrivent et soient en capacité de réinventer les choses, je trouve ça passionnant. Mais c'est vrai que moi, je n’ai pas très envie de faire ça, donc je suis vraiment très content de m'arrêter.

J’ai trouvé ça très dur. On a vécu cette période de COVID pendant laquelle on a été très soutenus par l'État. Donc on a eu des aides qui ont permis de continuer à faire fonctionner le théâtre, ça nous a permis aussi d'accueillir des compagnies en résidence… Nous on a réinjecté tout cette cet argent, on l'a réinjecté dans les co-productions, dans les accueils de compagnies en résidence. Donc on a pu travailler en pensant qu'on travaillait pour l'avenir, ce qu'on faisait d'ailleurs, puisque beaucoup de spectacles qui ont été créés ici sont partis prêts à être en tournée, et certains sont encore en tournée. Mais après ce sont les collectivités locales qui se sont désengagées au moment où on reprenait l'activité, alors que c'est à ce moment-là qu'on aurait eu le plus besoin de soutien, voire même d'augmentation des budgets pour relancer l’activité. Donc ça été un double coup de matraque, à la fois avec le COVID et sa période désastreuse en termes de public etc… et la réouverture, où il a fallu faire avec moins d'argent, et cetera et cetera. Donc, c'est une situation pas simple. Les subventions du théâtre reposent à environ 90% sur la ville, il y a peu d’apports extérieurs de l’Etat, du département et de la région. Donc si la ville enlève un pan de financement ça prend des proportions dramatiques. Donc on s'est retrouvés dans une situation très instable et on l'est toujours. Après ça va continuer, ça va se rétablir. Il y a un moment où les choses se remettre en place, mais ça va prendre du temps. Donc ça va être une période un peu sacrifiée aussi d'un point de vue artistique parce que évidemment il y a plein de projets qui ne pourront pas se faire.

Le festival de flamenco, celui-ci, il est comme j'avais envie qu'il soit en fait. Voilà, c'est mon cadeau de départ en gros. De toute façon le festival va continuer, c’est indiscutable, il est inscrit dans le cahier des charges du Théâtre de Nîmes, donc ça ne va pas s'arrêter et tant mieux. Mais voilà : quand, comment, combien ? il y a pas mal d'inconnues là-dessus. Mais sinon, il y a une bonne perspective pour le flamenco avec ce qu'on voit cette année. J'avais vu les spectacles avant, à part le « Work in progress » et j’adore tout ce qu’on a là. C'est vraiment le reflet du flamenco d'aujourd'hui. J’aime beaucoup le flamenco traditionnel mais dans le cadre du Festival ça ne m'intéresse pas tellement puisque ce sont vraiment des choses que tout le monde connait déjà et peut voir dans plein d'endroits, et je trouve que le rôle du Festival c'est pas tellement de montrer des choses qui existent ou qui ont existé, mais plutôt de l'inscrire dans l'avenir, tout au moins dans les projets d'avenir. Et aujourd'hui, je trouve que la programmation de cette année reflète bien le flamenco d’aujourd’hui, et donne quelques pistes de ce que peut devenir le flamenco dans un avenir à court moyen terme. On voit bien ce qui est en train de se dessiner, pas seulement chez Israel Galvan, mais aussi chez Ana Morales, même dans le chant, avec ce que fait Niño de Elche, ou ce que fait Tomas de Perrate… On voit qu’il y a quelque chose qui est en train de bouger, d'évoluer, et on voit bien vers où ça va aller. Et c’est ça qu’il m'intéresse aussi de montrer, parce c'est un peu notre rôle de festival, et ce qui m'intéresse, et qu’on ne faisait pas jusqu’à présent, c'est aussi de coproduire les spectacles, c'est d'accompagner les artistes, c'est d'avoir des artistes en résidence… En faisant ça, on est tout à fait dans notre rôle de festival. Donc je pense que là, en même temps, j'ai l'impression d'avoir abouti à quelque chose, d’avoir atteint un objectif que je m'étais fixé, et c’est bien de ne pas faire l’année de trop.

Il y a beaucoup de choses qui ont changé. Il y a d'abord la façon de travailler que j’ai créée avec lui et que je n’avais pas précédemment, parce que Chema a des propositions beaucoup plus intéressantes, dans la mesure où, du fait de sa connaissance, du fait de son implantation géographique, il a un horizon beaucoup plus vaste que ce que j'ai pu avoir jusqu'à présent. Donc ça c’était très intéressant, mais je le savais et c'est pour ça que j'ai fait appel à lui. Et à partir de là, moi j'ai pu développer ce que j'avais envie de développer et j'ai pu le faire avec Chema. D'abord on a bien travaillé ensemble, on est vraiment très complémentaires, et grâce à cette relation, on a fait du festival ce que je souhaitais qu'il devienne et qu’il n’était pas. Maintenant, c'est un festival de référence, extrêmement exigeant. Le public ne s'y trompe pas et il est là. Voilà, il y a quelque chose qui est en train de se passer et qui est de l'ordre de de l'excellence, on est vraiment à un très très haut niveau de programmation et c'était ça que je voulais, et ça y est on le tient.

Oui Chema était le producteur d’Israel, donc on se connait depuis très très longtemps, depuis que j'ai programmé Israël pour la première fois, c’était avec Chema je m’en souviens. Donc on s'est vu très souvent, on a travaillé ensemble, et moi j'avais commencé à coproduire les spectacle d’Israël, à l'époque où le schéma était encore son producteur avec Cisco. On a une très claire affinité de goût artistique, de point de vue et puis d'exigence, donc on est sur le même terrain. Quand Patrick a décidé de partir, pour moi c'était une évidence, donc j’ai envoyé un texto à Chema, et il m’a répondu « C'est génial, j'arrive », et le lendemain il était là et on a commencé à travailler. Pour moi c’était une évidence, et ça se vérifie depuis.

Ce que je retiens, c'est l'évolution et le chemin parcouru depuis le début. Quand je suis arrivé ici, ce n’était pas encore un festival, c’était une petite programmation qui était de l'ordre d'un week-end, vendredi, samedi, il y avait juste un petit temps fort autour du flamenco chaque année. Quand je suis arrivé, j'avais une affinité particulière avec le flamenco, donc je me suis dit que j’allais en faire un vrai, un grand festival. Et à partir de là, on a travaillé, j'ai augmenté la durée, j'ai augmenté le budget, pour arriver au format qu'on connaît aujourd'hui, qui est de quasi deux semaines, et qui est pour moi le format idéal, parce que dans ce format-là, on arrive à présenter beaucoup de choses et donc sans non plus épuiser toute l'équipe, parce que c'est la même équipe qui fait la saison et le festival, donc on peut pas se permettre de de mettre tout le monde par terre. Dont ce dont j'avais envie quand je suis arrivé il y a 20 ans, je l’ai réalisé, et c'est, c'est très plaisant, je suis très heureux, c'est une belle récompense en tout cas.

Ce n’est pas facile. Et puis il y a eu tellement de choses. Il y a une chose qui m'a beaucoup touché, c’est quand Rocio a fait son impulso avec Rafaël Riqueni à l'Odéon par exemple. Ça c'était pour le 30e anniversaire il y a 3 ans. Quand je lui avais parlé de de cet événement du 30e anniversaire, lui demandant ce qu'elle pouvait proposer, elle n’avait pas d'actualité particulière, et puis finalement elle avait proposée de faire cet impulso. Sachant que j’ai une grande passion pour Rafael Riqueni, elle a proposé cet impulso avec Rafael, qui a été un moment de grâce absolue, c'était vraiment un moment suspendu. Et puis c'est ce qui lui a donné envie ensuite de faire cette trilogie sur la guitare et de faire le 2e volet, et de faire le 3e volet qu'on va voir demain ici. Et c'est parti de là en fait, son désir de faire ce travail avec la guitare, parce qu’à l'origine ça devait être juste un spectacle unique pour le festival. Elle a eu envie de le développer, et demain soir on verra la suite et fin de la trilogie. Pour moi aussi, suite et fin, on termine bien.

On parle beaucoup, on échange beaucoup, elle rencontre aussi les gens de l'équipe parce que toutes les personnes de l'équipe ont des choses à transmettre aussi, et tout le monde n'a pas forcément la même vision que la mienne et c'est très bien parce que chacun voit ça de son endroit, donc c’est très bien. Et puis c'est une bonne professionnelle, elle a déjà dirigé deux théâtres, ça va être son troisième poste, donc elle connaît bien ce métier, elle maîtrise bien la méthode, donc j’ai toute confiance, je suis tranquille, je pars tranquille.

Elle n’a pas de compétences particulières en matière en flamenco, mais elle est tout à fait disposée à apprendre et je pense qu'elle est même très intéressée. Le festival va continuer à vivre sa vie, mais après ça m’échappe, l'avenir du festival m'échappe. A court terme je sais que ça va continuer à peu près comme on est là, que Chema va continuer à travailler. Mais après Chema ne va pas continuer éternellement non plus, donc forcément il faudra qu'elle travaille avec quelqu’un d'autre. Mais entre-temps, elle aura appris beaucoup de choses, je pense, et elle aura aussi fait son propre réseau.