Le concert de Vicente Amigo à la Biennale de Séville au Teatro de la Maestranza en septembre dernier avait été magistral. Le guitariste y avait aussi annoncé la sortie de son nouvel album, dont on connaît aujourd'hui le titre, "Memoria de los sentidos". Fort de son "Giraldillo al toque" décerné par la Biennale, c'est avec une formation presque identique - menos Los Mellis - que Vicente s'est présenté sur la scène du Théâtre Bernadette Lafont le 21 janvier 2017, en clôture du célèbre Festival Flamenco de Nîmes.
Vicente Amigo est devenu au fil des ans bien plus qu'un guitariste flamenco. La projection de sa musique et sa notoriété s'étendent bien au delà de la sphère flamenca. Vicente, très sollicité comme Paco l'était en son temps, pense donc légitimement à se protéger. C'est ce qu'il a choisi de faire lors de sa venue à Nîmes, peut-être aussi pour mieux se concentrer et faire face à la pression énorme qui précède ce genre de concert.
Six artistes sur scène, six comme les six cordes de la guitare de Vicente, six comme les six côtés de l'hexagone qui le reçoit ce soir-là. Et c'est parti pour un généreux concert : une heure trois quarts de virtuosité, de sensibilité, de sublimes mélodies... La Taranta se tranforme en solea, cette solea qui tournait en boucle sur nos lecteurs CD et MP3, emblème de l'album "Un momento en un sonido", si justement intitulée "Mezquita"... moment magique qui rappelle à quel point Vicente est un formidable mélodiste. Rejoint par les musiciens, Vicente enchaîne par un autre thème phare de l'album, le fabuleux "Tangos del arco bajo", qui permet à Rafael de Utrera dont le micro était cependant un peu trop bas de montrer l'ampleur de ses capacités vocales et son immense talent au cante. "Que bien suena eso !" entend-on dans le public. Vicente poursuit avec la Taranta qui porte le titre de l'album culte, complétée par le "Erase una vez" au rythme de solea por buleria de Rafael de Utrera. Un régal pour les oreilles.
Vicente se dirige ensuite vers un répertoire issu d'autres albums, où le rythme des bulerias et rumbas prime avec plus ou moins de succès sur la mélodie. Paquito Gonzalez avec qui la complicité est évidente l'accompagne avec brio sur la plupart des thèmes, tout comme le bassiste écossais Ewan Vernal, nouvelle recrue du sextet. Vicente présentera à deux reprises les artistes qui l'accompagnent au cours de la soirée. Le discret Añil Fernandez qui le seconde à la guitare participe aussi de belle façon aux choeurs.
Mention spéciale pour Antonio Molina "El Choro", dont l'intervention au baile est très remarquée. Très impressionnant par son soniquete, le bailaor de Huelva qui donnera bientôt un stage à Rivesaltes où il participait déjà l'an dernier à la Semaine Flamenco, nous a révélé que l'excellent son produit par ses bottes magiques était le résultat d'un micro caché dans l'une d'elles. Un grand moment qui met en valeur le sens du rythme du bailaor, la musicalité de ses pas, et des marquages et remates d'une grande efficacité. Avec son nouveau look de hipster, l'onubense affiche une maturité qui a su séduire Vicente. Le bailaor qui a rencontré le guitariste par Rafael de Utrera lors d'un spectacle confie : "Travailler avec Vicente est une expérience unique. C'est ce qui m'est arrivé de mieux dans ma vie".
Vicente revient pour finir à une ambiance plus sereine, exprimant sa sensibilité à travers une autre solea qui semble être celle qu'il avait présentée à la Biennale et qu'il a baptisée "Sevilla" en hommage à la capitale andalouse, puis "Roma", issue de son dernier album "Tierra". Il est ovationné par le public qui n'a cessé de l'interpeller au cours du concert. Certains semblent même être venus de l'autre côté des pyrénées pour écouter le maestro.
Après le concert de la Biennale et celui de Nîmes, on attend avec impatience la sortie de l'album "Memoria de los sentidos" prévue pour le 24 février.