Huit ans déjà que l'aventure a commencé par la volonté de quelques aficionados dans ces terres d'ardoise et de vignes en terrasses où les derniers sursauts des Pyrénées surfent sur le bleu de la Mare Nostrum. Peu à peu le petit événement local s’est étoffé et propose désormais trois jours de festivités à travers les lieux remarquables de la petite ville catalane sacrée « Ciutat pubilla de la sardane » haute distinction rarement décernée dans le monde de la catalanité et qui prouve que la culture populaire n'est pas un vain mot dans la cité natale d'Aristide Maillol. Alors pourquoi pas la culture andalouse ? puisque comme partout dans le département les différentes vagues d'immigrations ont semé les graines de l'hispanité.
Un récital flamenco intimiste dans la pénombre et les arômes des majestueuses cuves de chêne, des animations de rues avec coro, danseuses de sévillanes ou groupes festifs, des démonstrations de dressage de chevaux sur la plage centrale, le défi de la grande sévillane de l'amitié sur la place, sans oublier les expositions de peinture, sculpture et photo, ont transformer l'ambiance de la petite station balnéaire. Cette année les augures météorologiques étaient pessimistes mais les cieux ont été cléments et n'ont déclenché le déluge qu'une fois les lumières de la fête éteintes.
Du côté des spectacles c'est Pedro Soler - qui accompagna en leur temps Pepe el de la Matrona entre autres et Atahualpa Yupanqui - qui a commencé le jeudi avec un récital soliste dans le cadre magnifique de l'église de la Rectorie. Un retour au classicisme pour cet interprète à la grande sensibilité et toujours curieux d'explorer de nouveaux chemins auprès de musiciens hors de la sphère flamenca.
Le lendemain c'est une rencontre trans-frontalière entre artistes locaux et professionnels des tablaos de Barcelone qui nous était proposée, sobrement intitulée « Tablao Flamenco ». Alexandre Romero professeur, chorégraphe et pilier de l'organisation du festival a dévoilé ses qualités artistiques, et Johanna Modica, sa première danseuse, son tempérament fougueux, tandis que Lorena Oliva se taillait un beau succès avec sa danse complète et très actuelle. La voix de Thais Hernandez a su apporter à chacun matière à s'exprimer et le formidable José Manuel Saucedo à la guitare n'a cessé de remplir l'espace de son jeu brillant et juste. Mais c'est David Romero qui a enthousiasmé le public par sa présence magnétique, son braceo élégant et sa technique de pieds ravageuse.
En clôture le samedi, Patricia Guerrero présentait une suite de danses intitulée « fragmentos ». Seguiriya con mantón, malagueña y abandolaos, tarantos et pour finir une éblouissante alegría con « su cola de seda », un vrai bonbon, à s'en lécher les doigts, Patricia n'a pratiquement pas quitté la scène et déployé sa palette d'élégance, de grâce, de fureur et de flamencura. L'excellent Juan Campallo lui a servi des falsetas en cascade dont elle s'est emparée avec délectation au point que parfois ils avaient l'air d'être seuls au monde. Le solo de granaína du sévillan a confirmé son haut niveau tant technique qu’artistique. Quant à José Ángel Carmona, bon sang ne saurait mentir, il portait haut l'oriflamme du chant, sa voix aussi puissante avec micro que sans, vibrait de tous « los sonidos negros » et jouait sa partie avec panache et émotion. Le public peu participatif pendant le spectacle a explosé en applaudissements à la fin et a gratifié ces trois artistes d'exception d'une ovation bien méritée.
Le désormais rituel verre de l'amitié de la dernière soirée du festival a permis de prolonger le plaisir et d'échanger ses impressions avant d'aller se perdre dans la nuit de Banyuls où il était encore possible de repousser les limites du temps et du sommeil avec quelques rumberos en terrasse des derniers bars ouverts.