El Choro - Aviso: Bayles de Jitanos

Beau à pleurer !

A la lecture du programme on aurait dû s'en douter : avec au chant Jesús Corbacho, Moi de Morón et Pepe de Pura un certain nombre de critères étaient réunis. Avec Jesús Guerrero et Juan Campallo à la guitare on pouvait encore cocher plusieurs cases. Gema Moneo en partenaire d'Antonio Molina el Choro ça promettait. Mais Rafael Estévez comme directeur artistique, c'était plus qu'une caution ce fut un bonheur de tous les instants !

© Javier Fergo / Festival de Jerez

Avec comme matière première ce danseur qu'il qualifie de « naturel », puissant et élégant, au jeu de jambes nerveux et implacable, Estévez a conçu le spectacle parfait, tout est bon il n'y a rien à jeter. Choro voulait de l'ancien, avec un goût de rance : Rafael s'est inspiré d'une antique affiche annonçant les spectacles gitans au XVIIIème siècle pour passer en revue le répertoire des premiers artistes, le sortir de son cadre, l'adapter à la personnalité artistique du danseur et par là même l'actualiser. Il a confié aux deux guitaristes la lourde tâche de créer la musique à partir des pièces originales, il en résulte des morceaux émouvants à la solera palpable sur lesquels l'identité artistique d'El Choro et de Gema Moneo se réalise pleinement. Le duo fonctionnait déjà bien, il avait régalé les festivaliers de Mont-de-Marsan cet été, mais bien cadré par Estévez la fougue de ces deux phénomènes s'exprime avec majesté, sensualité et maturité.

Dès le premier palo, Bulerías, zarabanda y chufla, le public s'enthousiasme et les jaleos fusent avec chaleur à chaque pirouette sautée et croisement de jambes d'Antonio, et ne manquent pas de saluer les pellizcos et remates de Gema qui bien que jouant à domicile met tout son cœur et son corps à l'ouvrage. Étonnamment Jésus Corbacho s'accompagne ensuite à la guitare por cantiñas avec tant d'originalité qu'on en oublierait presque de regarder le danseur. La letra de La Mirri prend du poids et de la noblesse. Puis Gema attaque une seguiriya par une montée en intensité révélatrice de sa bonne santé, elle aborde cependant la letra avec douceur et respect sans un seul remate sur le chant. Elle danse d'ailleurs très près du cuadro se tournant fréquemment vers Moi comme pour se fondre dans sa voix, muy gitana.

Antonio vient la rejoindre et s'en suit un pas de deux empreint de tendresse, instant suspendu, avant l'arrivée de Pepe de Pura pour des tonás poignantes, où son chant tellurique dialogue parfaitement avec la profondeur de la danse de Choro.

Après ce moment magique il semblait difficile de retrouver une intensité semblable, pourtant voilà que Gema offre une zambra dansée et chantée que Lola Flores n'aurait pas reniée, commence ensuite naturellement le tercio de tangos à charge des trois chanteurs. De Granada à Badajoz, c'est un vrai festival du trio de « monstruos » qui glisse encore plus naturellement vers des jaleos extremeños puis vers la soleá et la soleá por bulería. El Choro danse et le public se soulève à chaque desplante, il finit par un signe de croix et un baiser au public, une, puis une autre fois et encore une troisième, mais personne n'est prêt à quitter la salle. Finalement dans un ralenti délicat les artistes quittent la scène et laissent Antonio seul devant sa table avec ses nudillos, comme il a commencé, tous suspendus à ses doigts, et la boucle est bouclée. Salves d'ovation.

Ce spectacle est un vrai bijou, du flamenco à l'état pur, généreux, actuel et intemporel, il va rester dans les mémoires et réchauffer longtemps le cœur de ceux qui l'ont pris de plein fouet en cette si froide soirée de février, à Jerez de la Frontera.


Dolorès Triviño, le 20/02/2016

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EQUIPE ARTISTIQUE:: Baile - Antonio Molina “El Choro”, Gema Moneo
:: Guitare - Jesús Guerrero, Juan Campallo
:: Cante - Pepe de Pura, Jesús Corbacho, Moi de Morón
:: Percussions - Paco Vega

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