David Lagos continue son chemin avec conscience et modestie malgré la pluie de récompenses au festival de la Unión en 2014 qui a permis de mettre en lumière sa déjà longue carrière de cantaor pa'tras avec les meilleurs artistes de Jerez et d'ailleurs. Il en garde cette présence pudique mais néanmoins vibrante de celui dont le rôle consiste à mettre la danse en valeur mais qui doit dans le même temps projeter son chant par dessus le rideau du danseur.
L'étendue et la subtilité des palos du flamenco font partie de son quotidien, il n'est donc pas étonnant qu'il ait choisi de proposer ce voyage depuis les racines du flamenco vers son propre discours chanté. Parce que tout classique a été un jour la création d'un individu de même que le personnel d’aujourd’hui n'est autre que le classique de demain. Dans cette proposition originale se conjuguent les moments de pur récital dans la forme classique du cantaor pa'lante avec des espaces de recherche et d'échange avec les musiciens. C'est ce qui nous permet d'apprécier un Emilio Caracafé tout droit venu de ses « 3000 » à la guitare atypique, parfois orientale, parfois rock, un fantastique percussionniste avec son pandero en costume folklorique pour animer des verdiales comme là-bas, un violoniste multifacettes et une Belen Maya à l'aise pieds nus et en bata de cola, comme un poisson dans l'eau de la Bahia, frétillante et ondulante, sans oublier Manolo Franco à la guitare maître respecté et complice inaltérable.
Il commence par une Malagueña de Chacón mais très vite arrivent les verdiales endiablés, les rondeñas et le solo de pandero. Quand Belen Maya sort de derrière le paravent l'ambiance devient orientale, David joue avec les sonorités de la chanson séfarade « a la una yo nací » qu'il enchaîne avec une petenera pendant que Belen va troquer sa bata de cola noire contre une robe portefeuille de ménagère rouge à pois blanc plus commode pour son petit tour de jota bolera dansée avec David. Et ce sera seul avec Manolo Franco qu'il nous régalera d'une petenera traditionnelle « llorando y en penitencia ». Un moment de recentrage ou l'on peut apprécier le déroulé de ses tercios et leur final dans le souffle poussé qui le caractérise. Il enchaîne avec des romances qui feront ressortir Belen avec une élégante bata et la conclusion reviendra encore à la petenera . Par la suite une jota aragonaise glisse sur l'archet du violon vers une montañesa flamenca avant d'aboutir à des alegrias nourries, éclatantes. Viendront les cantes de Levante, la Liviana et les fandangos « de familia » en récital avant le dernier morceau réunissant les artistes, une Mariana incarnée par Belen Maya plus vraie que nature mimant les paroles avec délectation.
C'est une fusion poétique, élégante, un travail très documenté, passionné et passionnant, un moment de flamenco ressourçant, un spectacle que l'on peut qualifier d'attachant à l'image de David Lagos : « entrañable ».