En ouverture du Festival, après les envolées lyriques audio visuelles sur le parvis du Villamarta, une grande dame mettait encore une fois son titre en jeu, en présentant « Apariencias », un amalgame d'inspiration impressionniste d'après ses propres mots.
Dans ce nouvel opus la Yerbabuena tente de répondre à un questionnement qui sous tend sa création depuis toujours, celui du moteur de la création artistique, de l'origine de l'art, du rapport de l'artiste à la norme et de l'impact de chacun dans la construction de la culture. Cette fois elle utilise le support des masques pour signifier la problématique de l'apparence de l'être et du paraître, de la liberté et du mensonge et de la distance entre les êtres. Un squelette stylisé sur le rideau de fond, un montage video projeté sur un « capote de torero » blanc soulignent les propos.
Les lumières sont délicates et créatives, jouant sur la gamme des faisceaux plongeants, les transparences et les îlots. La chorégraphie emprunte beaucoup à la gestuelle narrative du mime, la musique, avec les percussions d'Antonio Coronel, utilise le silence comme espace sonore signifiant. Les quatre danseurs sont remarquables avec une mention spéciale cependant pour le charismatique David Coria. Les chanteurs s'arrachent les tripes por petenera ou por solea. La chanteuse africaine, mi yoruba, mi fado, mi flamenco tient magnifiquement sa place et Paco Jarana porte l’œuvre au bout de ses doigts. La Yerbabuena danse et c'est toujours la même magie, une señora du baile por derecho, qui arrache le jaleo admiratif du public d'autochtones, qui pose sa solea avec un empaque que même ses tenues improbables ne troublent pas, celle qui concentre dans son langage corporel toutes les influences contemporaines et nous fait apparaître à chaque spectacle l'ombre tutélaire de Pina Baush.... Et pourtant, pourquoi donc ce goût d'inachevé ?
Le procédé des masques n'est pas nouveau et il place le spectacle dans un cadre dramaturgique plus exigeant que celui qui nous est donné. La forme « suite flamenca » peut paraître décousue au regard des créations précédentes, mais Eva revendique le dépouillement et le retour aux sources flamencas. Et en effet la construction théâtrale du début autour de l'origine africaine de l'espèce puis le rappel des influences diverses, se détricotent tout le long du spectacle qu'elle choisit de finir par une solea « como Dios manda » Leçon de flamenco qui invite à se débarrasser de ses préjugés en la matière. Le plaisir de retrouver Eva dans sa gestuelle si personnelle n'est que très fugacement assombri par l'envie de voir autre chose d'elle. La force de son tempérament artistique ainsi que de tous les artistes qui l'accompagnent font d'Apariencias un spectacle qui mérite les applaudissements enthousiastes que lui ont offert les spectateurs du Villamarta. Eternelle Eva.