Pepe Fernandez

Flamenco sans frontières

Le concert du guitariste de Valence Pepe Fernandez qui s'est déroulé le vendredi 22 janvier à l'Odéon de Nîmes est un de ces rendez-vous magiques dont le Festival Flamenco de Nîmes a le secret. Mais il est aussi et surtout le résultat de la magie d'un festival où se produisent chaque année de belles rencontres entre artistes, aficionados, organisateurs, écrivains, journalistes...

Pepe Fernandez

Vendredi 22 janvier 2010. Six ans exactement avant le concert du Festival Flamenco de Nîmes 2016. Même jour, même date. C'est là que la magie a commencé à opérer. Sur les canapés rouge de l'hôtel Atria, Rubio de Pruna, Manuel Tañe, Antonio Negro et une foule d'aficionados assis et massés autour participent à l'une de ces juergas d'anthologie du festival Flamenco de Nîmes, qui fêtait alors ses vingt ans. Ca chante, ça palme, ça joue de la guitare, et peu à peu, tous les artistes de la soirée ainsi que ceux du spectacle du lendemain soir rejoignent joyeusement cette fiesta improvisée. Rubio de Pruna n'est pas le seul blond de la soirée, car parmi les têtes brunes des gitans de Provence et d'Espagne, un autre blond sort du lot. Il s'agit de Pepe Fernandez, un jeune guitariste gitan originaire de Valence dans la Drôme. Un peu plus loin, il y a Ané, le fils de Diego Carrasco qui se produisait le soir-même au Théâtre de Nîmes, et son compadre de toujours Juan Grande, qui se lance dans une pata por buleria. C'est ainsi que Pepe Fernandez, Ané et Juan se sont rencontrés. "Ils ont tout de suite accroché sur ma façon de jouer à la juerga et on est restés en contact depuis ce jour-là" se souvient Pepe Fernandez.

Six ans plus tard, Ané et Juan sont aux côtés de Pepe sur la scène de l'Odéon. Et il ne sont pas tous seuls. Car le valencien dont les grand-parents sont originaires de Grenade et Melilla - enclave espagnole au Maroc - et qui a appris ses premières notes de solea avec son père Joaquin à l'âge de dix ans, a invité d'autres "primos" à se joindre à sa soirée. Les frères sévillans du quartier de Triana, José et Maka Ibañez, plus connus sous le nom de "Makarines" sont aussi de la partie, et c'est encore à Nîmes que Pepe a fait leur connaissance : "Je les ai connus l'année dernière au festival car ils étaient venus avec Joaquin Grilo et c'est justement Ané Carrasco qui me les a présentés. Ils m'ont écouté, ils ont beaucoup aimé aussi et m'ont proposé de collaborer à leur nouvel album qui sortira dans quelques mois". Pepe a aussi pu compter sur la présence d'un percussionniste, et non des moindres, l'excellent Israel Suarez "Piraña", rencontré par un ami commun, - Jordi de Solera Flamenca - avec lequel il a enregistré une buleria qui a fait le buzz sur YouTube et que l'on peut découvrir ici : http://youtu.be/6r8h1QQZUos . Avec un tel plateau, la soirée devait incontestablement être un succès.

C'est en solo que Pepe se présente au public du Festival Flamenco de Nîmes, por rondeña. Il a choisi une guitare en particulier pour le concert. "J'ai deux guitares, une Francisco Barba et une Conde Hermanos que j'ai achetée à la Solera flamenca près de Barcelone. Pour le concert de Nîmes j'ai choisi la Francisco Barba car elle a un son exceptionnel et elle a un confort particulier pour jouer sur scène." Le jeu est fluide et serein, Pepe semble "a gusto". Il est rejoint par le compas d'Ané Carrasco et Juan Grande qui s'installent à droite de la scène pour l'accompagner por solea. Le groupe sera au complet avec l'arrivée de Piraña et Los Makarines sur les alegrias où ils posent leurs voix "de caramelo". Un accompagnement hors-pair pour Pepe qui savoure ces moments et communique son bonheur au public ravi de pouvoir assister à ce concert unique auquel tous les aficionados n'ont malheureusement pas pu assister en raison de la jauge assez réduite de l'Odéon. Le concert se poursuit avec de formidables bulerias précédées d'un cante a palo seco à deux voix des Makarines.

Un invité surprise fait son entrée sur scène, il s'agit du jeune frère de Pepe, Antonio, qui l'accompagne à la guitare por tangos. Antonio montrera aussi lors de la fin de fiesta un très beau brin de voix. Pepe poursuit en solo por fandangos de Huelva, accompagné par Los Makarines. Le solo de Piraña au cajon est un régal. - à noter qu'il donnera un stage de cajon au festival "Ascension flamenca" à Banyuls-sur-mer le 7 mai prochain. Standing ovation pour Pepe et ses compadres. Lors de la mise en route de la fin de fiesta quelqu'un lance "Que cante el Piraña !", mais c'est Antonio qui chante, fort bien, et les jerezanos ne se font pas prier pour sortir por buleria, la pata d'Ané sur le cante de los Makarines étant particulièrement réussie. On serait bien restés quelques minutes de plus mais le concert est déjà terminé.

La performance de Pepe Fernandez est d'autant plus grande qu'il ne se consacre pas complètement à la guitare. En effet Pepe est salarié dans une entreprise et il ne lui reste que les soirs et week-ends pour pratiquer cet instrument exigeant qu'est la guitare. Mais il a su s'affranchir de cette dépendance à l'instrument, ce qui n'entâche en rien la qualité de son jeu, doté d'une fluidité et d'un naturel remarquables, aussi efficace dans les styles rythmiques que libres. "La guitare m'apporte de la joie, le flamenco c'est un état d'esprit dans lequel j'ai baigné depuis ma naissance, je le vis quotidiennement." raconte Pepe, dont la famille est surnommée "los Legionarios".

L'agenda de Pepe continue à se remplir et l'on parle beaucoup de lui en France mais aussi de l'autre côté des Pyrénées. Il a déjà une collaboration avec Manuel Parilla et Montsé Cortés prévue pour le mois de mai à Barcelone. Un disque ? "Pas pour le moment mais pourquoi pas un jour, j'y pense." répond Pepe pour qui l'avenir semble aussi lumineux que ce fantastique concert de guitare flamenca qui s'est déroulé dans la meilleure des ambiances. Pepe remercie d'ailleurs le Festival "C'est l'un des plus importants de France et reconnu aussi en Espagne comme un grand festival. Je les remercie de m'avoir donné la chance d'y participer. C'était un honneur."


Flamenco Culture, le 22/01/2016

<< Retour au reportage


EQUIPE ARTISTIQUE:: Guitare - Pepe Fernandez, Antonio Fernandez
:: Chant - Los Makarines
:: Palmas - Ané Carrasco et Juan Grande
:: Cajon - Piraña

© Flamenco-Culture.com 2004-2024. Tous droits réservés - Marque déposée - Contacter Flamenco Culture
Copyright France