"Touché" de Patricia Guerrero avait été présenté le 28 février 2015 à la Sala Compañia dans le cadre du 19ème Festival de Jerez. Au vu du parcours brillant de la bailaora de Grenade qui a élu domicile à Séville depuis plusieurs années, la petite salle était évidemment pleine à craquer. En sortant du spectacle avec une collègue de la presse, nous nous étions fait la réflexion que sa trajectoire fulgurante à seulement 25 ans faisait beaucoup penser à celle de Rocio Molina, à qui la bailaora a d'ailleurs emprunté deux cantaores qui ont marqué ses spectacles, Antonio Campos et José Angel Carmona. Impression confirmée quelques semaines plus tard au Théâtre de Chaillot avec un autre spectacle. Et il en fut de même le vendredi 22 janvier au Théâtre Bernadette Lafont.
"Touché". Un titre qui peut évoquer quelque chose à tout un chacun. Il s'agit en réalité d'établir un parallèle entre le touché de l'épée et l'archet du violon. Ce spectacle né de la rencontre entre Patricia Guerrero et Bruno Axel est un mélange subtil entre les mondes opposés des deux artistes, fruit de l'échange de leurs cultures respectives.
Le spectacle débute par un solo de Bruno Axel, remarquable violoniste, compositeur et chef d'orchestre né à Grenade qui a déjà une longue expérience de la musique classique qu'il a commencé à étudier à Séville à l'âge de cinq ans. Son lien avec la musique flamenca est ancien, car il a travaillé à ses débuts avec Juana Amaya, et avec Israel Galvan dans "El Final de este estado de cosas". Sa collaboration au spectacle "La Tentacion de Poe" de Ruben Olmo au Festival de Jerez a aussi été très remarquée.
Patricia Guerrero, dont les tenues sont toujours soigneusement choisies, débute un baile por siguiriya qui inclue le violon précis de Bruno Axel et le cante puissant de José Angel Carmona. L'intervention de la bailaora frôle la perfection. Elle cède la place au solo de toque du sévillan Paco Iglesias, suivi par un original numéro percussif d'Agustin Diassera avec violon auquel s'ajoute le baile de Patricia Guerrero dont l'ombre s'affiche en arrière-plan en grand format. Patricia revient en robe crème et manton jaune, et danse sur les soleares de Triana interprétées par José Angel Carmona qui ont la particularité d'être uniquement accompagnées par le violon. Un sacré challenge pour le cantaor qui excelle dans ce style. La guitare s'incorpore peu à peu dans le cuadro, tandis que la deuxième partie de la solea qui demeure un grand moment du spectacle, se dirige vers Cadiz. Le baile de Patricia, à l'esthétique parfaite, est moins classique qu'à ses débuts. Patricia semble avoir trouvé son style : personnel, élégant, créatif.
Des fandangos et cantes abandolaos servent de transition avant un tableau très original qui mêle une partie de La Chacona de Bach avec la Malagueña del Mellizo, puis une "Fantasia sobre el tema de J.S Bach" que Patricia interprète avec une bata de cola noire, avant de revenir apporter un peu de couleur au plateau avec une divine robe rouge dans laquelle la splendide danseuse exécute des tangos.
Au final, un touchant mariage entre musique classique et flamenco. Un "Touché" qui a atteint sa cible en plein coeur, car le public était debout pour ovationner les artistes, et ma comparse du banc des photographes de s'exclamer à la fin de cette éblouissante représentation : "Mon Dieu que c'est beau !". Touchée.