Deux cantaores de Jerez bien distincts se sont partagés l'un après l'autre la scène du Palacio de Villavicencio en début de soirée le 3 mars. Ce lieu intimiste qui convient si bien aux récitals acoustiques était un peu plus rempli que pour le récital précédent - Jeromo Segura - mais l'on voit que globalement, à part pour David Lagos, le cante ne fait pas vraiment recette auprès des festivaliers. Il y avait pourtant de quoi contenter les aficionados ce soir-là.
C'est le plus jeune des deux cantaores, Manuel Garrido Fernandez "Manuel de la Fragua", frère de Niño de la Fragua et petit fils de Tio Juane qui entama la première partie du récital avec des cantes de fragua, ces chants hérités de sa famille, marqués par le compas du martillo de José Rubichi. C'est toujours un peu curieux de voir un cantaor en costume cravate interpréter ce cante qui provient de la forge, et donc d'un travail manuel par excellence, la ferronerie. Manuel de la Fragua interpréta ces cantes por derecho, en hommage à son héritage familial. Suivirent, avec l'accompagnement de l'expérimentée guitare de Domingo Rubichi, des soleares - Cadiz, Jerez et Alcala - de belle facture, puis des fandangos et bulerias qui permirent au jeune cantaor de 26 ans de démontrer, malgré le peu de temps imparti dans le récital, que la dynastie à laquelle il appartient n'est pas prête de s'éteindre. Un artiste à suivre.
La fin de fiesta por bulerias de Manuel de la Fragua laissa place au récital d'Andrés de Jerez, cantaor habitué de l'ancien Colmao, accompagné à la guitare par son compadre Carlos Grilo avec qui il partageait déjà l'affiche l'an dernier du projet de flamenco expérimental "Una experiencia plástica del flamenco". Le style du cante d'Andrés de Jerez trouve sa source dans le cante de familles cantaoras comme les Agujetas, les Chalaos et les Rubichi. Le cantaor interpréta des tientos, soleares, siguiriyas et fandangos. Peut-être moins à l'aise sur scène que dans les juergas dont il fait les belles heures, Andrés de Jerez a toutefois réservé un beau récital aux auditeurs du Palacio de Villavicencio, avec la complicité de Carlos Grilo, palmero habituel de Miguel Poveda, qui a démontré des aptitudes méconnues à la six cordes.