C'est à la Sala Compañia que David Lagos a présenté, deux soirs de suite et à guichet fermé son spectacle "Made in Jerez". Devant l'annulation de Tomatito qui, devant faire ses adieux le matin même à son ami Paco de Lucia, n'aurait pas été en état de se produire le 1er mars au Théâtre Villamarta, l'organisation a décidé de proposer aux festivaliers une seconde opportunité de découvrir le spectacle "Made in Jerez" pour lequel elle avait déjà dû refuser du monde.
Le cantaor qui porte haut les couleurs de la ville qui l'a vu naître a voulu lui rendre un hommage particulier avec son spectacle "Made in Jerez", créé pour présenter son nouvel album fait maison, "Mi retoque al cante jerezano". Une ode à celle qui lui a tant offert, dans les poignants tientos "Tanto me ofrecio", où Jerez est presque personnifiée, à ses rues avec la buleria "por tus calles" - et à ses artistes. Si le cante de David est si touchant, c'est aussi en raison de la qualité de ses letras. La plupart ont été écrites par lui et ont un sens particulier puisqu'elle rendent hommage à Jerez.
"Made in Jerez" n'est pas simplement un récital de cante, car David a pu bénéficier des conseils de mise en scène de Paco Lopez, ancien directeur du Festival de Jerez, qui a apporté sa touche notamment sur les transitions et le baile por guajira de la sublime bailaora Mercedes Ruiz, qui le débute en dansant assise sur le sol de la Sala Compañia avec sa bata de cola dans un cercle de lumière.
"Que grande es la tierra mia" chante David Lagos à la fin de la ronda de tonas qu'il interprète en trio avec Londro et Melchora Ortega. Un début de récital qui n'est pas sans rappeler celui de Nîmes, à quelques détails près, notamment le marteau que l'un des palmeros frappe sur une baguette de bois, qui rappelle le lieu où s'est forgé ce cante de Jerez. En plus de Mercedes Ruiz qu'il accompagne souvent, David a fait appel à un vétéran du baile de Jerez qui se distingue toujours par l'élégance de ses patas por buleria et de son costume, Diego de la Margara, qui ici fait quelques pas de solea por buleria. Jusqu'à la malagueña, c'est son frère Alfredo qui accompagne David, avec un jeu qui semblait un peu plus pesant que d'habitude, avant de laisser la place à Santiago Lara, également compositeur de l'album. Sur la solea qui suit la guajira - version méconnue d'El Niño Medina - , David joue avec le compas, lie les tercios à en perdre le souffle, mais sans jamais s'égarer. Quelle maîtrise ! On reconnaît entre autres les styles de Frijones et de Carapiera. Suivent Siguiriya - un peu moins posée que d'habitude en raison de la pression -, fandangos avec Londro et Melchora, et une courte mais intense apparition d'El Bo - fils de Sordera de Jerez - lors de la fin de fiesta. David Lagos plaisantait la veille qu'il devrait y avoir des "Bolerias" en référence au maestro du compas. Le cantaor régalera aussi les spectateurs de "la Buleria de la Paquera" de son premier album "El Espejo en que me miro", avant de conclure avec de vaillants fandangos clamant haut et fort "Soy de Jerez de la frontera, y el cante es mi bandera !"
Le cantaor qui confiait la veille de la première représentation "Je me sens comme un père avant une naissance" va à présent pouvoir laisser grandir son enfant.