Le ballet Flamenco de Andalucia a pour objet de véhiculer l'image de l'art flamenco à travers le monde. Longtemps dirigé par Cristina Hoyos, il est aujourd'hui mené par Rafaela Carrasco qui lui donne un nouveau souffle. "C'est une immense responsabilité, car le Ballet Flamenco de Andalucia doit être le représentant du flamenco dans le monde" confiait la danseuse la veille de la représentation. Elle réalise avec [En la Memoria del cante : 1922] un très ingénieux et esthétique montage artistique avec une équipe d'artistes hors-pair qui a dû travailler sans relâche pour en arriver là.
Le pari de Rafaela Carrasco est d'interpréter le cante et la musique, et ses personnages, avec la danse. Avec pour fil conducteur l'historique Concurso de Cante Jondo de Grenade de 1922, la création est très cohérente. On voit qu'elle a bénéficié également d'un budget plus conséquent que d'autres spectacles.
On retrouve au gré des tableaux le jury du concours, composé de Don Antonio Chacon, Pastora Pavón "La Niña de los Peines" et Manuel Torre, respectivement incarnés par les danseurs exceptionnels que sont David Coria, Ana Morales et Hugo Lopez. David Coria danse les Caracoles de Chacon - como reluce - tandis qu'Hugo Lopez interprète une solea de Jerez de Manuel Torre. Ana Morales quant à elle danse derrière un balcon, celui que l'on voit souvent sur les photos de la Niña de Los Peines, prises lorsqu'elle interprétait des saetas. David Coria enchaîne por malagueña de Chacon, à la danse bien sûr. Superbe présentation du jury. Le deuxième tableau met en scène le guitariste Jesus Torres, surélevé sur une estrade à gauche de la scène, qui interprète, avec six danseuses et danseurs soigneusement alignés sur le reste de l'espace scénique, qui représentent chacun une corde de guitare - des aigus aux graves -, la rondeña de Ramon Montoya. Magique. Hugo Lopez danse ensuite les siguiriyas de Manuel Torre avec les tours vertigineux dont il a le secret, sur le cante en vivo de Miguel Ortega - très performant - , puis celui en off de Manuel Torre. Le groupe parmi lequel figure la danseuse niçoise Laura Santamaria rend ensuite hommage à la Gazpacha. L'interprétation de la saeta de la Niña de los Peines par Ana Morales est sublime. Elle est accompagnée par les danseurs qui miment une procession avec des chaises pliées et portées en l'air. Chorégraphie exceptionnelle ensuite sur les tonas de Manolo Caracol, où six danseurs et danseuses se donnent la réplique, puis baile inspiré de David Coria por malagueñas, avant une profusion de soleares sur l'estrade transformée en scène alors que les chaises ont été disposées en quinquonce pour représenter une salle de spectacle. C'est le moment d'accueillir Rafaela Carrasco qui offre une interprétation du baile de Juana "La Macarrona", à base de mouvements amples et de ronds de jambes. Les alegrias, très lentes, sont interprétées à l'envers car elles débutent par des bulerias de Cadiz et se terminent par un tirititran, avant que la pluie matérialisée par une séquence vidéo ne vienne mettre un terme à la soirée.
Un très beau spectacle que l'on peut recommander autant aux aficionados au baile, qu'aux amoureux du chant et de la guitare. Rafaela Carrasco réussit avec brio sa première création avec le Ballet Flamenco de Andalucia. Bravo.