Cela faisait quatre ans qu'Argentina n'avait pas chanté en France. Sa venue était donc très attendue par les aficionados qui venaient parfois de loin pour découvrir sur scène l'ancienne élève de la Fondation Cristina Heeren, qui a déjà à son actif trois albums et venait présenter son dernier opus, "Un viaje por el cante", un voyage à travers les différents styles de chant flamenco.
Luismi le manager d'Argentina est sur des charbons ardents, aussi fébrile sur son siège de spectateur que l'est Torombo qui trépigne sur sa chaise après sa courte mais explosive pata por buleria du début de spectacle. Torombo a en effet mis le feu à la scène dès le début du concert, accompagné par les coplas por bulerias d'Argentina et les palmas des Mellis - les jumeaux de Huelva - mais ensuite le soufflé est vite retombé.
Peut-être pour compenser l'absence d'Eugenio Iglesias qui complète habituellement la formation d'Argentina, le son de la guitare de Bolita est beaucoup trop présent, tout comme celui qui sort du micro d'Argentina, tout comme celui des percussions qui proviennent du cajon de José Carrasco et des mains des trois palmeros. De ce fait il n'a pas été possible d'apprécier le récital à sa juste valeur, sauf lorsque la cantaora a chanté sans micro. Pourtant le contenu valait la peine puisqu'Argentina a interprété pas moins de dix cantes qu'elle a auparavant étudiés avec soin, rendant par exemple hommage dans les tangos del Piyayo à la figure de Chano Lobato dont l'image est projetée en fond de scène, comme chacun des thèmes qui seront interprétés, offrant ainsi aux spectateurs non avertis la possibilité de mettre un nom sur ce qu'ils écoutent.
Après le garrotin, les tangos del Piyayo, la serrana, la solea por buleria, la milonga et les tientos, c'est sur la caña qu'il se passe enfin quelque chose. Bolita, déjà très efficace sur les tangos de remate, exécute l'ayeo de la caña avec sa guitare, et Argentina interprète de belle façon ce cante qui sied très bien à sa tessiture vocale ainsi que le polo attenant. Elle se lance ensuite dans des cantes abandolaos - fandangos de Lucena et jabera - de belle facture. Le cante por buleria de los Mellis laisse à Argentina le temps d'enfiler une robe blanche avec laquelle elle interprètera une très belle siguiriya - dont le début a capella , parvenant sans peine à se faire entendre jusqu'en haut du théâtre -, puis des cantiñas dédiées à un ami espagnol toulousain d'adoption présent dans la salle. Le récital se conclura por bulerias et fandangos de Huelva, le style de sa terre natale qu'elle domine à la perfection.
Malgré un large répertoire, une bonne équipe de musiciens, et le désir de bien faire, l'impression est mitigée. Dans l'appréciation du cante, l'émotion ressentie par celui qui écoute est fondamentale, et parfois chanter trop en force comme le fait Argentina - ou d'autres cantaores présents au festival, et ce en dépit du volume sonore - ne permet pas cette transmission. Le voyage qu'Argentina a amorcé est louable et on lui souhaite de continuer longtemps car elle a une voix absolument magnifique, qu'elle devrait cependant apprendre à plus moduler.