François Noël est le directeur du Théâtre de Nîmes et du Festival Flamenco de Nîmes. Il nous a accordé cet intéressant entretien dans lequel il parle de sa passion pour la photographie et évoque longuement la résidence de Rocio Molina durant le festival.
Le Théâtre de Nîmes a été récemment baptisé "Théâtre Bernadette Lafont", suite à la disparition de l'actrice cet été, comment cette décision a-t-elle été prise ?
Ce n'est pas moi qui l'ai décidé, c'est le maire de Nîmes Jean-Paul Fournier qui a eu ce désir et qui m'a fait cette proposition que j'ai acceptée bien entendu. Quelle belle actrice et quel beau nom pour un théâtre que celui d'une actrice aussi emblématique, avec un tel parcours. Le théâtre de la place de la Calade s'appelle donc maintenant le Théâtre de Nîmes Bernadette Lafont. C'est un geste d'affection envers elle puisqu'elle était originaire d'ici. On se devait de faire quelque chose de cette nature. Elle était venue au théâtre faire des lectures, elle avait fait plusieurs choses. Je me souviens qu'elle était venue lire des textes de Marc Bernard et c'était très très beau. Comme c'était une actrice formidable elle s'était emparée de cela avec beaucoup de facilité, c'était merveilleux.
Cette année il y a une nouveauté dans la programmation du festival, un stage photo, comment s'est mis en place ce stage ?C'était une proposition de Jean-Louis Duzert qui est le photographe officiel du festival qui nous a proposé de faire un stage de photo de flamenco.
Lorsque nous avons ouvert le stage aux inscriptions on s'est rendu compte qu'il y avait une réponse très rapide et très enthousiaste de certains photographes, amateurs ou non, amateurs éclairés en tout cas, et ça s'est lancé comme ça. Cela m'a d'autant plu que moi-même je fais de la photo et je me suis dit "Ah mais c'est exactement ce que j'aimerais faire... un stage de photo avec Jean-Louis Duzert sur le flamenco, c'est génial". Mais il se trouve que c'est une période durant laquelle je suis particulièrement occupé et du coup malheureusement j'ai dû renoncer à ce beau projet. Mais je ne désespère pas, j'espère qu'un jour il le fera dans un autre festival, et là j'irai me glisser dans l'équipe. [...] J'ai un appareil semi-professionnel. Je ne suis pas équipé comme un professionnel mais je peux travailler quand-même avec ça. Je fais les photos d'illustration des programmes, de l'affiche, tout ça c'est moi qui fabrique... donc ce stage m'intéressait d'autant plus.
Pour la première fois le festival accueille une artiste en résidence suite à l'obtention du label "scène conventionnée pour la danse contemporaine", comment se déroule cette résidence ?L'artiste en résidence c'est Rocio Molina, qui est aussi programmée au festival, elle va faire le spectacle de clôture du festival. C'était un peu évident car c'est quand-même une artiste que l'on suit avec beaucoup d'assiduité, depuis longtemps... Il nous semblait extrêmement symbolique de nous engager auprès d'elle pour sa prochaine création et pour notre première résidence de création et première coproduction au sein du Festival de flamenco. Par ailleurs tout le reste de la saison on accompagne beaucoup de projets, mais dans le cadre du Festival on ne l'avait encore jamais fait, et je suis très heureux de cela car c'était encore une étape à franchir dans le festival, dans la progression, on a besoin de ça maintenant pour installer le festival dans la durée, et dans une relation avec les artistes qui ne soit pas simplement de bien les accueillir et de bien présenter leur travail, mais aussi de les soutenir, de les accompagner, et c'est ce que l'on a commencé à faire avec cette résidence.
La résidence se déroule dans l'autre salle, qui est la salle de l'Odéon. Actuellement Rocio y travaille depuis dimanche dernier. Pour l'instant elle travaille essentiellement tout ce qui est son, musique, et pas encore la danse, mais c'est le début de la création pour Rocio. Donc on est assez fiers et heureux de nous être engagés dans cette voie là.
Effectivement la scène conventionnée pour la danse nous a amenés à relier encore plus le festival et la Saison Danse, et la danse dans le festival... tout cela devient un tout très imbriqué et indissociable.
Rocio travaille pendant une semaine. Elle va présenter "Afectos", le spectacle qu'on verra samedi, elle terminera donc sa résidence vendredi soir ou samedi matin pour ensuite venir s'installer ici.
Tout cela débouchera sur la présentation de cette création au prochain festival, en 2015 donc. Il y a d'autres co-producteurs, nous ne sommes pas les seuls. Il y a le Théâtre de Chaillot, la Biennale de la Danse de Lyon, le Théâtre Sadler's Wells de Londres, donc il y aura d'autres représentations. La première n'aura pas lieu ici, elle aura lieu à la Biennale de la Danse de Lyon en septembre ou en octobre 2014. D'ici là il y aura d'autres étapes de création, elle va avoir d'autres résidences ailleurs... et je vais suivre cela avec beaucoup d'intérêt.
Rocio Molina fait-elle de la danse contemporaine ?Rocio Molina est avant tout une danseuse de flamenco. Quoi qu'elle fasse elle restera toujours une danseuse de flamenco. Elle est un peu dans l'esprit de ce que font Israel Galvan ou Andrés Marin, c'est-à-dire d'être en recherche permanente, donc ça la conduit à expérimenter des choses, à inventer des choses, et c'est ce qui démontre aujourd'hui que le flamenco est un art vivant, qui est en marche, ce n'est pas une chose ancienne muséifiée, bien au contraire. Donc c'est aussi ça l'intérêt de s'engager auprès d'artistes comme elle.
Le Festival de Flamenco et la Saison Danse sont indissociables, c'est la même entité, donc le label "Scène conventionnée pour la danse contemporaine" s'applique aussi au flamenco, et il y a du flamenco contemporain, en l'occurrence Rocio Molina fait du flamenco contemporain.
Cette année les aficionados au cante sont très contents car il y a beaucoup de chant dans la programmation, pourquoi ce choix de retour au chant ?Parce que ce sont les fondamentaux du flamenco, pour ne pas perdre de vue que le chant c'est la base de tout, c'est le pilier. Il y a une tendance générale qui est de favoriser la danse parce que c'est plus visuel, c'est plus accessible peut-être aussi par un public plus large. Mais ici on a la chance d'avoir un public exigeant, avec une connaissance, une approche, et ce public-là est éclairé, car il y a une pratique du flamenco dans la ville, mais aussi parce que le festival de flamenco a 24 ans, et pendant ces 24 années le public a appris, a découvert, s'est emparé des choses, donc aujourd'hui il est parfaitement réceptif au chant. On l'a vu d'ailleurs, les salles sont pleines, donc c'est une manière de ne pas perdre de vue l'origine.
Qu'avez-vous préféré depuis le début du festival ?J'ai beaucoup aimé le concert de David Lagos et Melchora, bien sûr, un peu comme tout le monde, je pense qu'il y a beaucoup de gens qui ont aimé. J'ai beaucoup aimé aussi ce que l'on a entendu hier soir, c'est-à-dire les chanteurs d'Estrémadure... mais pas seulement les chanteurs, les guitaristes aussi, beaucoup. J'ai trouvé que Miguel Vargas avait fait un très beau travail, très élégant, très délicat, avec un son de guitare profond... j'ai trouvé cela très beau. J'ai beaucoup aimé aussi la Ratita qui a fait cette entrée en matière merveilleuse, en acoustique et a capella, c'était magnifique. Je pense que c'est elle qui a installé le concert, elle a planté le décor d'entrée et mis vraiment les choses à leur place tout de suite, c'est ce qui a donné toute sa force à la soirée, j'ai adoré ce moment. Et puis après j'ai vraiment beaucoup aimé le spectacle d'Israel Galvan dont je suis absolument fan. En fait avec le recul je me rends compte que j'ai aimé pratiquement tout ce que j'ai vu et tout ce que j'ai entendu. Cela fait partie des choses qui m'ont touché, séduit ou ému. Je ne suis jamais absolument satisfait de tout mais je trouve que c'est une belle édition.
Le festival fêtera ses 25 ans l'an prochain... va-t-il y avoir du changement ?On va changer des choses car cette année on a dû refuser beaucoup de monde, et cela m'ennuie de refuser autant de monde. Si on refuse un peu c'est la règle du jeu car la salle se remplit, mais là je trouve qu'on a refusé beaucoup de monde, alors je pense qu'il faut probablement doubler certaines dates, mais dans ce cas il faut pouvoir proposer autre chose ailleurs, dans un autre lieu. J'aimerais pouvoir introduire davantage de petites formes, comme peut-être un récital de guitare ici, un récital de chant-guitare ailleurs... j'aimerais que cela soit un petit peu plus fourni, un peu plus dense. Mais je ne sais pas avec quels moyens donc tout cela est très hypothétique pour l'instant.
Pour ce qui est des artistes il y aura évidemment Rocio Molina, mais on commence généralement à mettre des noms à partir du Festival de Jerez, car c'est là que l'on commence à voir de nouvelles propositions. Il faut prendre un peu de recul sur cette édition et dans un mois à Jerez on aura les idées plus claires sur la 25ème édition.