Le 50ème Festival de La Unión a atteint son point culminant avec le concert unique du génie de la guitare flamenca Francisco Sánchez Gómez "Paco de Lucía".
Le maestro d'Algeciras qui a entamé depuis plusieurs mois déjà une gigantesque tournée qui ressemble beaucoup à des adieux était accompagné sur scène d'une équipe hors-pair d'artistes qui sont les meilleurs dans leur domaine, à qui il a laissé une grande liberté d'expression tout au long du concert. Au cours de la soirée qui se déroule en deux actes Paco de Lucia interprétera peu de solos après la Rondeña d'ouverture, privilégiant le dialogue avec les autres musiciens. Car c'est ça aussi Paco de Lucia, non seulement la maestria mais aussi la générosité, une star qui laisse la place aux étoiles montantes sans avoir peur de briller moins, sans chercher sans cesse à être le centre d'intérêt puisque que seule sa présence suffit à déplacer les foules. Duquende dont le cante camaronero poussé à l'extrême - certains vont jusqu'à dire qu'il est la réincarnation de Camaron de La Isla - se marie si bien avec la musique de Paco, provoque bien des réminiscences chez le public de connaisseurs qui suit la carrière du guitariste depuis longtemps. Il donne de la voix sur une Solea por Buleria, relayé par David de Jacoba. A la guitare son neveu Antonio Sanchez remplace avec efficacité Niño Josele, seconde guitare habituelle du maestro. Les autres musiciens excellent, en particulier Antonio Serrano dont l'harmonica vituose a cependant pris un peu trop de place sur la guitare. Les courtes interventions de Farru au baile ont été très appréciées par le public.
Malgré deux heures de concert, certains spectateurs restent sur leur faim : les thèmes de l'album "Cositas Buenas", dernier en date du guitariste, n'ont pas totalement rassasié les fans de la première heure qui souhaitent voir Paco jouer des "cositas" plus anciennes. Alors, bien que les lumières se soient rallumées dans la salle et qu'une partie du public se dirige vers la sortie, certains se prennent à espérer qu'il revienne encore une fois sur scène et rappellent l'artiste, qui finalement réapparaît sur scène quelques minutes plus tard. Dès les premières notes, l'émotion s'empare du public, car ce sont celles de la rumba "Entre dos aguas" (1973), l'une des plus belles composés par l'artiste. Des notes mythiques et habitées par une âme qui résonneront encore longtemps dans la tête et le coeur des aficionados présents à La Union ce soir-là.
L'émoi suscité par ces artistes chez la jeune génération en dehors de la scène mérite aussi d'être commenté. A la sortie du spectacle côté loges, des dizaines de jeunes aficionados répartis en deux clans distincts attendaient d'un côté le bailaor Farru, et de l'autre Paco de Lucia qui a réussi à échapper à la horde de fans venus le féliciter en empruntant un autre chemin et partant directement en voiture devant des aficionados "paparazzi" déçus.
Une soirée particulièrement riche en émotions mais aussi en événements : à 19h avait eu lieu l'inauguration de la Calle Miguel Poveda en présence du cantaor et de ses parents, puis à 20h le récital d'Arcangel à la Mina Agrupa Vicenta, et avant le concert de Paco de Lucia la remise du Castillete de Oro à l'ambassadeur du Japon qui représentait l'Empire du Soleil Levant qui compte déjà 3000 académies de flamenco.