C'est au Théâtre Antique d'Arles qu'a eu le récital d'Estrella Morente le mercredi 13 juillet 2011.
Le concert d’Estrella Morente était un moment très attendu du festival des Suds à Arles. C'était son troisième grand concert en France et la conférence de presse qu’elle donna à l’Hôtel Nord Pinus laissait planer le mystère sur le répertoire qu’elle avait choisi d’interpréter. Estrella possède une voix puissante et claire, et incontestablement de grandes qualités techniques qui lui permettent de se lancer dans des variations vocales très reconnaissables. Elle maîtrise une grande variété de chants, héritage de son père Enrique Morente, un très grand artiste disparu en décembre dernier et qui a marqué le flamenco d’une empreinte indélébile. Son répertoire elle l’a aussi puisé auprès des grands chanteurs de flamenco comme la Niña de los Peines ou Antonio Mairena.
Ce concert est compliqué. Il se veut à la fois hommage à son père, expression de la tradition flamenca, et aventure dans d’autres répertoires. Il est difficile alors de trouver la juste émotion.
L’hommage à Enrique Morente était attendu et c’est sur un extrait sonore de la voix de son père, un « prégon », qu’Estrella apparaît sur scène, en star, juchée entre les deux colonnes du Théâtre antique d’Arles, habillée par Christian Lacroix, les cheveux et la robe voilée balayés par le mistral ; une apparition théâtrale excessive. La reprise du « Tangos de La Plaza » d'Enrique Morente est un moment de souvenir agréable et Estrella et son groupe en offrent une belle interprétation [La plaza por ser la plaza tiene una mitad de oro y la otra mitad de plata. La otra mitad de plata, se enciende el sol por un lado y por el otro se apaga. Por un lado es abanico, por otro media naranja]. Elle interprète « La Estrella » d’Enrique, au rythme de « tangos» lents, un bien joli thème [Si yo encontrara la estrella que me guiara, la metería muy dentro de mi pecho…]. Un dernier hommage est rendu en fin de concert avec le « martinete » repris a capella par son groupe, comme le faisait son père après avoir chanté le « prégon ».
Estrella Morente réserve une partie de son concert aux chants flamenco classiques, moments trop courts pour prendre la dimension de son chant. Elle chante une « Toná» [Cuando el Santolio entró por mi puerta, puso su cara sobre la mía y pa que yo no llorara me miraba y se reía]. Les « tarantas » qui suivent, « Dime el hombre por que muere », sont puissantes et les « soleás peteneras » qui lui succèdent, accompagnées seulement par José Carbonell « Montoyita » à la guitare sont belles [Llorando y en penitencia a buscarle un día me fui]. Ce dernier s’illustre aussi avec une « rondeña » ; un beau moment. Les Bulerías interprétées par Antonio et Angel Carbonell et el Kiki apportent un côté festif. Le percussionniste offre au public un zapateado enjoué.
Mais ce concert est aussi l’occasion pour Estrella Morente de revisiter un répertoire plus libre et aussi de présenter de nouveaux thèmes. Malheureusement, son théâtralisme vient parfois écraser l’émotion portée par les thèmes qu’elle interprète. Estrella reprend sur un rythme de « sevillanas » des couplets de « La Zarzamora » [¿Que tiene la zarzamora que a todas horas llora que llora por los rincones, ella que siempre reía y presumía de que partía los corazones?] ou de « Ay pena, penita mía », hommage à Lola Flores. Sur ces derniers morceaux, elle esquisse quelques pas de danse sans atteindre le tempéramment de Lola Flores, grande interprète de ces thèmes. Son interprétation por Bulerías de la « La noche de mi amor » de Chavela Vargas est décevante et laisse à l’abandon l’esprit qui anime cette magnifique chanson [Oye! Quiero la rosa perlada de rocío, el mar, el sol y este cielo tan mío para brindar la noche de mi amor]. Elle prolonge cette composition par de la « copla andaluza », lui permettant de nouveau de danser. Elle présente une nouvelle composition « Tras de un amoroso lance », poème de San Juan de la Cruz [Tras de un amoroso lance, y no de esperanza falto, volé tan alto, tan alto, que le di a la caza alcance]. « Nostalgias » extrait de l’album « Mujeres » la ramène dans un répertoire qui a l’adhésion du public [Nostalgias, Quiero emborrachar mi corazón para apagar un loco amor que más que amor es un sufrir...]. L’accompagnement de discrets arpèges de Montoyita porte la voix plus apaisée d’Estrella. Le public s’est aussi retrouvé dans « Volver », thème éponyme du film de Pedro Almodovar, devenu un classique de son répertoire.
Le public présent dans ce magnifique cadre du Théâtre antique a salué chaleureusement la prestation d’Estrella Morente.