Al Compás De Cuatro Tierras

Jerez, Lebrija, Moron et Utrera réunis le temps d'une soirée

La deuxième partie de soirée à la Caracolá Lebrijana le vendredi 22 juillet s'annonçait particulièrement intéressante. Le spectacle concocté par Luis Chimenea avait pour objet de réunir des figures de quatre berceaux emblématiques du flamenco gitan sur une même scène. C'est ainsi que Moron, Utrera, Lebrija et Jerez furent réunis l'espace d'une soirée, pour le plus grand bonheur des aficionados présents ce soir-là.

Al Compás De Cuatro Tierras

"Moron, Jerez, Utrera et Lebrija. J'ai essayé de faire un guiso - râgoût - , et pour réaliser ce guiso de arte y de gitaneria, j'ai pris les palmas de Vicente Peña, Tete Peña, et Jesus de la Buena. Ensuite, pour ce guiso d'arte, on va commencer par Moron de la Frontera, le petit-fils de Joselero, Pepe Torres. Après commence ma gitaneria, un miroir dans lequel je me regarde, Utrera : Pitin Hijo, Jesus de la Frasquita, et la descendance de la maison des Perrate, Tomas de Perrate. On ne peut pas commencer ni terminer une fête sans être à Jerez de la Frontera, on ne peut pas. C'est un honneur pour moi d'avoir ici sur scène mon tio Joaquin El Zambo, des Sordera et des Zambo, Felipa del Moreno, fille del Moreno et nièce de Terremoto. Et pour moi et pour vous aussi je pense, l'héritière de la solea de Fernanda... son père est de Jerez et sa mère est de Lebrija, il s'agit bien entendu de Tomasa Guerrero "La Macanita", et la guitare de Manuel Parrilla ! Et on termine à Lebrija : Pedro Maria Peña, et votre serviteur Luis Chimenea, Viva Lebrija !"

Telles étaient les paroles de Luis Aguilera "Chimenea" pour présenter les protagonistes à l'issue d'un spectacle de deux heures dont on peut aisément imaginer qu'il fut de qualité. Ce guiso d'arte fut malheureusement troublé par des incidents techniques dont nous apprendrons le lendemain qu'ils étaient l'oeuvre d'un sabotage d'une entreprise de son n'ayant pas été choisie pour la Caracola.

Quand il y a tant de monstres sacrés sur scène, il n'est pas évident de trouver sa place. Et pourtant, chacun eut son moment de grâce. C'est Luis Chimenea qui entame le spectacle por martinetes, de cette voix rauque et puissante qui lorsque le son se coupe réussit quand même à se faire entendre jusqu'au fond de la Plaza del Hospitalillo, avant d'être rejoint par les palmeros qui se lancent dans des bulerias de Lebrija a palo seco. Après Lebrija, direction Jerez et Utrera avec Joaquin El Zambo accompagné par Pitin Hijo por siguiriya, interrompu lui aussi par une coupure son sur la fin. Jesus de la Frasquita démontre de belles capacités vocales por fandangos et abandolaos avec la guitare de Pedro Maria Peña, mais la deuxième partie de son cante est à son tour perturbée par une coupure son. Bulerias de Lebrija en forme de transition avant d'accueillir les tangos de Felipa del Moreno, superbe cantaora gitane de Jerez dont la tenue aux couleurs d'azulejos fait ressortir la carnation foncée, accompagnée par Pitin Hijo. Mais il n'y aura pas d'exception, elle aussi sera victime du sabotage organisé du son. Ca s'agite du côté de la régie, ça court dans tous les sens à chaque coupure son ou lumière, mais visiblement, les techniciens n'arrivent pas à identifier la panne. Et pour cause puisque tout cela est télécommandé via un téléphone mobile. Un attentat à l'arte. Des choeurs annoncent l'arrivée de Tomas de Perrate et Pedro Maria Peña qui régalent le public de merveilleuses soleares. Le son caractéristique de Moron envahit l'enceinte de la Caracola : les cordes d'une guitare vibrent sous les doigts du bailaor Pepe Torres qui se met ensuite à danser por romance. Suit un cante de Luis de Chimenea, et le plus grand moment de la soirée, les soleares interprétées par Tomasa Guerrero "La Macanita" accompagnée par l'excellente guitare de Manuel Parrilla, confirmant une fois de plus qu'elle est la digne héritière de Fernanda de Utrera.

Une méga fin de fiesta de trois quarts d'heure orchestrée par tous les protagonistes met un point final à cette grande soirée de cante.


Flamenco Culture, le 22/07/2011

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