Milagros Mengibar et sa disciple Luisa Palicio ont offert au public du Café Cantante un spectacle d'une rare élégance, dont l'objet principal était la fameuse bata de cola, la robe à traîne dont l'histoire remonterait au 18ème siècle.
La bata de cola est l'un des emblèmes les plus significatifs de l'école sévillane de baile flamenco. Il faut dire que le maniement de la spectaculaire robe à traîne est tout un art. La sévillane Matilde Coral a déterminé 57 mouvements différents pour que la bata retombe parfaitement sur le sol, ce travail ayant donné lieu en 2003 à un ouvrage intitulé "Tratado de la bata de cola" co-écrit avec Ángel Álvarez Caballero et Juan Valdés. Matilde Coral ne dansant plus, c'est Milagros Mengibar et sa disciple Luisa Palicio qui sont aujourd'hui les plus ferventes héritières de la technique de la bata de cola. Elles sont décidé d'en créer un spectacle, "Piel de Bata".
Car la bata est comme une seconde peau. Mais c'est un vêtement encombrant, pesant, qui demande à être apprivoisé. Et pour cela il faut du travail, beaucoup de travail. Comme dans tout baile, pour faire illusion qu'il est exécuté avec facilité, il faut beaucoup d'efforts en amont, des efforts que les jeunes danseuses d'aujourd'hui ne sont pas forcément prêtes à fournir. A part Luisa Palicio. Cette danseuse née à Estepona a débuté le baile à l'âge de 4 ans et à force de volonté, elle a réussi à s'imposer dans cette difficile discipline où elle démontre des capacités artistiques hors du commun. Le baile de Luisa Palicio est le comble de l'élégance et du raffinement. Elle est tout simplement éblouissante.
Mais Luisa a été à bonne école. Sa maestra sur scène à ses côtés, Milagros Mengibar, est l'une des grandes références de la bata de cola, qu'elle a apprise de Matilde Coral et qu'elle enseigne sans relâche depuis des années, notamment à la Fondation Cristina Heeren. Reconnue pour sa grâce fidèle à l'école sévillane - ses bras et mains sont des oeuvres que l'on ne se lasse pas d'admirer - , Milagros a parcouru le monde, mais aujourd'hui elle ne danse quasiment plus. C'était donc une bénédiction de la revoir sur la scène du Café Cantante, trois ans après sa remarquable intervention dans le spectacle "De la mar al fuego" présenté à Mont-de-Marsan, année où elle dispensait également une master-class de manton.
Dans "Piel de Bata", les deux bailaoras font une démonstration de l'utilisation de la bata de cola. En duo pour commencer, puis chacune avec sa bata. Les tissus virevoltent dans la légère guajira de Luisa Palicio accompagnée par le cante de Juan Reina. Il se font plus discrets dans la dramatique petenera que Milagros Mengibar partage avec Manolo Sevilla puis Juan Reina, ou la solea aux echos d'Enrique Morente qu'interprète Juan Reina avec Luisa Palicio. Tout au long de la représentation, une bata de cola portée par un mannequin de bois trône en fond de scène, comme le symbole de celles qui en furent les plus grandes représentantes.
Ce début de soirée chargé en émotion se termine sur une note beaucoup plus humoristique : le guitariste Rafael Rodriguez, après avoir magnifiquement accompagné les bailes, s'empare du micro pour interpréter un rap dédié au festival de Mont-de-Marsan.