Maria Pagés était déjà venue il y a deux ans au Festival Arte Flamenco présenter sa création "Autorretrato". C'est avec "Mirada", un spectacle empreint de nostalgie créé en 2010, que la compagnie de la danseuse sévillane s'est présentée sur la scène de l'Espace François Mitterrand.
Il y a quatre ans Maria Pagés nous confiait lors d'une interview que sa compagnie était plus qu'une famille. De solides liens se sont tissés entre les artistes au cours des vingt années d'existence de la compagnie, au sein de laquelle on retrouve de fidèles piliers comme la cantaora Ana Ramon et le bailaor José Barrios. "Mirada" a donc été créé pour célébrer les vingt ans de la compagnie, offrant un regard sur son passé mais aussi une vision résolument tournée vers l'avenir.
L'impression de "déjà vu" n'est pas fortuite. En effet, "Mirada" a emprunté aux précédents spectacles de la Compagnie Maria Pagés nombre de tableaux. Mais ce n'est pas vraiment un best-of.
Maria Pagés a mis dans ce spectacle tout ce qu'elle aime. La poésie tout d'abord, avec des poèmes récités en voix off, ceux écrits de sa propre main, mais aussi des références à Lorca dans les letras - romance de la luna luna, zorongo - et la mise en scène où la lune est bien présente. Le cinéma a toujours occupé une place importante dans la vie de Maria Pagés, et c'est avec un générique de l'équipe artistique qui défile sur grand écran qu'elle le montre. Quant à la musique, son goût pour le son mélancolique du violon, présent tout au long de l'oeuvre, ne peut passer inaperçu. Et puis il y a le flamenco bien sûr, celui interprété par Maria, sa compagnie, ou les deux conjointement : on le trouve dans un hybride de garrotin et farruca, une siguiriya avec bata de cola et castagnettes, une scène d'ensayo, un martinete avec canne... mais on s'en éloigne dans le tableau où un poste de radio géant branché sur "Nostalgie" trône en fond de scène tandis que des images de presse défilent sur l'écran géant. Après le ravissement de la chorégraphie sur la musique de Shostakovich présente dans le spectacle "Volver a Sevilla", on part en Argentine avec un véritable tango puis... la première chanson anglaise apprise aux petits français sur les bancs de l'école, "Oh when the saints go marchin' in". On est à ce moment là plus proche de Gene Kelly et du music-hall que du flamenco. Mais ce clin d'oeil au pays de l'Oncle Sam où la compagnie s'est souvent produite est vite eclipsé par la voix de Camaron de La Isla qui nous ramène de l'autre côté de l'Atlantique avec la Leyenda del Tiempo, avant une fin de fiesta où la compagnie laisse éclater sa joie.Comme toujours les costumes sont très soignés ; les robes de Maria Pagés, du bordeaux au crème orné de plumes en passant par le vert dégradé offrent une réelle satisfaction visuelle. Quant à ses bras, ils sont toujours aussi extraordinaires de souplesse. Le baile de la compagnie est toujours aussi propre, et la mise en scène est irréprochable d'un point de vue esthétique.
A la fin de la représentation, Milagros Mengibar, qui avait déjà lancé plusieurs jaleos au cours du spectacle, se leva pour applaudir à tout rompre en choeur avec le public la performance de Maria Pagés. Elle déclarera le lendemain lors du point presse : "Je suis Maria Pagés depuis ses débuts. C'est une très belle personne et son baile est très personnel. Elle a démontré une fois de plus qu'elle savait occuper la scène".