Rencontre avec l'excellent cantaor d'Alosno Arcangel dans le cadre du stage de cante dispensé pour la première fois au Festival Arte Flamenco.
Ce n'est pas la première fois que tu viens au festival de Mont-de-Marsan, que penses-tu du festival ?
Je pense que c'est un très bon festival, très courageux, où il y a des stages dans toutes les disciplines. Justement cette année c'est la première fois qu'il y a un stage de cante. C'est important de montrer aux gens que les choses peuvent s'enseigner et qu'on peut les apprendre.
C'est aussi un festival où il y a une programmation variée. Il y en a pour tous les goûts. Il y a du cante ancien, du plus contemporain, des grands ballets, des petits formats... donc je pense qu'il est plutôt bien conçu.
Tu donnes le premier stage de cante ici au festival, penses-tu que l'on peut enseigner le cante ?Je pense que oui, tu peux enseigner la structure du cante, le problème c'est de l'exécuter avec talent. Il se trouve aussi qu'il n'y a pas assez de cours de cante, et puis la première barrière c'est la langue.
Comment le flamenco est-il entré dans ta vie ?Je pense que c'est lui qui m'a trouvé. Et pas seulement moi. Tous ceux qui se consacrent au flamenco, je pense qu'il les a attrapés. Tu écoutes beaucoup de musique, et un jour le flamenco retient ton attention, t'attrape véritablement, et finalement c'est le chemin que tu suis.
Je n'étais pas dans une famille extrêmement liée au flamenco, mais c'est vrai qu'en Andalousie, le flamenco est quelque chose de naturel, je l'écoutais sur des disques et à la radio et ça m'a toujours attiré depuis tout petit.
Quand as-tu décidé de te dédier professionnellement au cante ?Je l'ai décidé après avoir atteint le point de non retour. Je chantais, je m'amusais en le faisant sans aucune intention de devenir professionnel, jusqu'à ce que j'arrive à un stade où j'avais fait tellement de choses, où j'avais tellement envie d'approfondir mes connaissances, et à ce moment là il était plus facile de continuer que de revenir en arrière.
Si tu n'avais pas été cantaor qu'aurais-tu fait ?J'aurais aimé être joueur de football car j'adore le sport.
Tu as longtemps chanté pour le baile, que t'a apporté cette expérience ?Cela enseigne beaucoup de choses. Cela t'apprend qu'il y a une discipline dans le cante, cela t'apprend beaucoup au niveau du rythme, à résoudre les problèmes rapidement, il faut être très réactif vis-à-vis des problèmes qui peuvent se poser. Tu apprends aussi ce qu'est une hiérarchie, comment tu dois rester au second plan quand tu chantes pour quelqu'un, devoir leur donner ce qu'ils demandent, et surtout t'adapter à la situation, ça c'est très important.
As-tu un palo favori ?J'aime tout, mais la siguiriya est l'un de mes préférés.
Tes références dans le cante sont Chacon et Caracol ?Caracol, Chacon, La Niña de los Peines, Enrique Morente, Camaron...
Justement, à propos de Morente, certains te voient comme son héritier...Je ne tiens pas compte de ces choses. Je crois que la figure d'Enrique Morente pour l'instant est inatteignable. Evidemment c'est mon maestro spirituel car je m'inspirais beaucoup de lui, mais je vais essayer d'ouvrir mon propre chemin, car en plus faire ce qu'il faisait est terriblement difficile. Et atteindre ce niveau... ça me paraît très compliqué.
L'an passé tu étais sur la scène du Café Cantante et tu as réalisé un cante en additionnant les sons, d'où t'es venue cette idée ?Cette idée est venue en voyant des artistes d'autres disciplines qui incorporent les nouvelles technologies dans leurs spectacles, cela donne une autre dimension. Je voulais donc l'adapter au flamenco. C'est une technique qu'utilisent beaucoup les artistes de jazz et de la pop qui ont avancé dans ce sens et j'avais envie d'adapter un peu cela au flamenco.
Ton ami le guitariste Juan Carlos Romero est maintenant reconnu, c'est une satisfaction pour toi qui as lutté pour qu'il soit sur ton disque ?Je suis très heureux qu'il ait atteint le niveau qu'il a. Je pense que c'est quelqu'un qui a des qualités techniques importantes, une sensibilité importante pour la musique, et qu'il mérite une bonne place dans la musique flamenca.
Ton enfant va-t-il suivre tes traces ?J'espère que non. Cela ne me plairait pas. Car le monde artistique, même s'il y a des choses très jolies, est parfois un monde dur. J'aimerais qu'il aime le cante mais qu'il fasse autre chose, qu'il ne s'y consacre pas professionnellement. Peut-être que je n'ai pas envie qu'il projette sur moi toutes les peurs et les difficultés que j'ai eues.
De quelles peurs parles-tu ?La peur de te confronter avec toi-même, car le cante est vraiment une lutte avec soi-même, pas avec quelqu'un d'autre. Tu ne cherches pas l'approbation des autres, tu as besoin de l'approbation des autres mais si déjà tu n'as pas la tienne c'est terriblement difficile.
Comment vis-tu ton succès ?Très simplement. Je suis une personne normale, j'aime les choses du quotidien, je ne m'intéresse pas trop à cela. Je me préoccupe plus d'avancer chaque jour dans l'arte flamenco et de faire les choses encore mieux et voila.
Tes projets ?En ce moment même je travaille sur mon prochain disque qui sortira en septembre si Dieu veut. On est en train de le terminer et quand il sera fini je chercherai un titre qui corresponde à son contenu, pour l'instant je ne peux pas en dire plus.
Qui t'accompagne sur ce disque, et que contient-il ?Mes guitaristes habituels, Miguel Angel Cortes et Dani Mendez. Il y a de tout : alegrias, fandangos, bulerias, soleares... un peu de tout.
Nous attendons avec impatience la sortie du nouvel album d'Arcangel qui nous ravira sans doute autant que les 9h passées en sa compagnie durant le stage de cante.