1er Festival Flamenco de Lyon

Les peñas en voyage

Le 1er Festival Flamenco de Lyon a vu le jour le week-end des 14 et 15 mai. Beau succès pour la première édition de cet événement atypique dans le monde du flamenco.

Cela peut sembler étonnant, mais la 3ème ville de France, Lyon, n'avait pas encore de festival flamenco. Qu'à cela ne tienne, l'association "Flamenco y Mas" menée par Nicolas Perrin a monté en moins d'un an un projet qui tient particulièrement bien la route, exportable même, de quoi pérénniser l'existence de ce nouveau rendez-vous flamenco qui a eu lieu cette année les 14 et 15 mai, dans divers endroits de la ville, à la Cueva de los Flamencos et la Clef de Voûte pour ce qui est des stages, et au Palais de Bondy pour les spectacles, conférences et dégustations.

Le festival est inauguré le samedi 14 mai en fin d'après-midi par une rencontre avec le dessinateur roannais Miguel Alcala, dont certains des dessins bien connus sont exposés au Museo del Baile Flamenco de Séville. Avec son franc-parler, l'artiste aborde le flamenco du point de vue artistique mais aussi social. Celui qui fut dessinateur officiel de la Biennale de Séville était invité à toutes les fêtes gitanes, et c'est dans l'intimité des familles qu'il a réalisé ses oeuvres les plus criantes de vérité, transcrivant avec son crayon l'immédiateté du geste flamenco mais aussi la douleur libératrice du cante et l'émotion générée par celui-ci.

UN FESTIVAL DÉDIÉ AUX PEÑAS FLAMENCAS

Le Festival Flamenco de Lyon a pour particularité d'être entièrement consacré aux peñas flamencas, avec pour objectif de faire découvrir aux spectateurs français le flamenco tel qu'il se pratique en Andalousie. Un pari audacieux de déplacer dans un théâtre des artistes pour la plupart amateurs, ayant une autre profession en dehors du flamenco.

Nous avons pu en savoir plus sur les peñas flamencas lors de la conférence animée le dimanche 15 mai par José Maria Segovia et Jeronimo Roldan Pardo, respectivement président et secrétaire de la Confédération Andalouse des Peñas Flamencas au moment du festival. La conférence était traduite en simultané par une interprète de l'Institut Cervantes de Lyon. Les spectateurs ne comprenant pas l'espagnol avaient à leur disposition un casque audio pour écouter la traduction, intelligente initiative de la part de l'organisation.

La rencontre avec les représentants de la Confédération des Peñas Flamencas Andalouses nous rappela qu'une peña est une organisation culturelle privée à but non lucratif, destinée à l'étude, la préservation et la diffusion du flamenco. La peña est aussi un lieu de réunion entre aficionados. En Andalousie, les peñas sont regroupées en fédérations.

La peña La Plateria de Grenade et la peña Juan Breva de Malaga se disputent l'antériorité du titre de première peña flamenca. Il semblerait que la Peña Juan Breva soit la plus ancienne, ayant été fondée en 1948 alors que la peña La Plateria fut ouverte en 1949. Les peñas sont nées car les tabernas et tabancos où se réunissaient les aficionados se sont peu à peu transformés en bars où il était interdit de chanter. La peña Torre Macarena est la plus ancienne peña de Séville, qui fut la première province à créer une fédération. Paco Vallecillo a ensuite fait en sorte que chaque province ait sa fédération. La Confédération regroupe aujourd'hui les fédérations des huit provinces andalouses, soit 325 peñas.

Aujourd'hui les peñas ne souhaitent plus être cataloguées comme de simples associations, elle veulent devenir des biens d'intérêt culturel au même titre que les zambombas et les verdiales.

Les peñas flamencas sélectionnées pour le 1er Festival de Lyon étaient la peña "El Ciego de la Playa" de Huercal de Almeria - fondée en 1995, qui porte le nom de Don Antonio Chacon - , la peña "Juanito Villar" de Cadiz, qui existe depuis 1979 et donne directement sur la Caleta - où l'on peut aussi déguster un excellent cazon - , la peña de cante jondo de Moguer, joli village de la province de Huelva qui organise aussi chaque été un festival de cante flamenco très réputé, et enfin la célèbre peña Pies de Plomo de Séville.

LA GASTRONOMIE, UNE AUTRE FACETTE DE LA CULTURE ANDALOUSE

Si le spectateur a pu déguster les spécialités locales du cante d'Almeria, Cadiz, Huelva et Sevilla, il a aussi eu l'occasion d'exercer ses papilles sur les manchego, gaspacho, lomo, aceitunas et autres spécialités andalouses qui faisaient également partie du package ; Une formule tout en un plutôt séduisante d'un point de vue économique. Cette idée doit sans doute être attribuée à Nicolas Perrin qui nous a confié avoir travaillé par le passé à l'organisation d'événements dans le domaine de la gastronomie. L'occasion aussi d'échanger avec des aficionados de choix : Claude Worms, Patrick Bellito, Julien Feytit et Joss Rodriguez, entre autres...

L'ABSENCE DE JUAN VILLAR, DE NORBERTO TORRES ET DES GITANS DE LYON

Même si le festival était basé sur des entités et non sur des noms, il y en avait un que l'on attendait particulièrement, l'excellent cantaor gaditano Juan Villar, qui pour des raisons familiales s'est finalement décommandé. Grande déception donc pour commencer, car la présence du maestro avait grandement motivé mon déplacement jusqu'à Lyon. Mais la déception s'estompe rapidement, remplacée par la satisfaction de pouvoir découvrir la nièce de celui dont la peña porte le nom, Pilar Sierra Villar "La Gineta", qui remplacera son oncle.

L'autre grand absent était Norberto Torres, le guitariste, conférencier et musicologue français né dans la banlieue de Lyon, désormais domicilié à Almeria, où il se consacre à sa thèse de doctorat intitulée "De lo Popular a lo Flamenco: Aspectos Musicológicos y Culturales de la Guitarra flamenca (Siglos XVI-XIX)".

Les "figures gitanes locales" que l'on croise régulièrement au Festival Flamenco de Nîmes lors des afters se sont également distinguées par leur absence. Mais la fin de fiesta a quand-même eu lieu à la Clef de Voûte, boîte de jazz située dans un quartier aux pentes dignes de la Croix-Rousse, avec les bonnes interventions d'El Titi, Alicia Acuña et Niño de Elche, et d'un Pedro Torres transformé.

DECOUVERTES ET CONFIRMATIONS

Les peñas sélectionnées pour participer à la première édition du festival ont elles-mêmes choisi des artistes pour les représenter. Ainsi se cotoyaient amateurs et artistes en voie de professionnalisation avec d'autres ayant l'habitude de silloner les scènes internationales. Une chance pour les moins expérimentés de cotoyer les plus "anciens".

Parmi les découvertes on peut sans nul doute citer les cantaoras de Cadiz Pilar Sierra Villar et Rosi Gomez, qui ont interprété leurs tientos et solea por buleria por derecho, suivant à la lettre le style de Juan Villar. Du côté de Moguer, une des cantaoras a particulièrement retenu notre attention, il s'agit de Maria Angeles Cruzado.

Parmi les confirmations, il convient de saluer le doyen du festival, le brillant bailaor El Pinto, frère du cantaor Pansequito, qui a de la gracia et du salero à revendre. En mettant une ambiance de feu lors de son alegria sur la scène du palais de Bondy, El Pinto a démontré sa longue expérience de la scène. Né en 1947 à la Linea de la Concepcion, le bailaor a en effet dansé de nombreuses années en tablao et s'est produit avec les plus grandes figures, dont Camaron de la Isla. Séville avait aussi envoyé des représentants de choix, avec les excellents cantaores Niño de Elche et Alicia Acuña, plus habitués à fréquenter les grandes scènes que les peñas. Mention aussi pour El Titi d'Almeria, qui a su choisir les palos appropriés à sa tessiture vocale et transmettre une émotion, et la bailaora Blanca Perdiguer au très joli style.

Nous avons moins apprécié le style théâtral de Laura Garrido et le manque de justesse de Pedro Torres - qui a toutefois magnifiquement chanté durant la fin de fiesta à la Clef de Voûte.

BILAN

Le bilan est plus que positif. Le festival a attiré de nombreux participants. Avec un concept novateur et exportable - la prochaine étape devrait être l'Italie -, le Festival Flamenco de Lyon est le nouveau rendez-vous des aficionados . Merci à l'association Flamenco y Mas et aux bénévoles qui ont travaillé sans relâche pour faire de cette première édition une réussite.


Photos du 1er Festival Flamenco de Lyon
par Murielle Timsit

15/05/2011



Flamenco Culture, le 15/05/2011


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