Sans nul doute, le spectacle « Mi ultimo secreto » par la compagnie de Mercedes Ruiz restera le point culminant des propositions de cette rue du Monde consacrée au flamenco et qui a attiré prés de 1500 spectateurs dans la Grande Halle de La Villette ce jeudi 5 mai 2011.
Une deuxième partie de soirée enchanteresse, avec dans la salle, ce mélange de fins connaisseurs et de « non-initiés » enthousiastes ou incrédules, nombreux à être béats devant la qualité technique et l'intensité émotionnelle de la belle jerezana. Après les succès de « Dibujos en el aire » et « Gestos de mujer », Mercedes Ruiz ne fait que confirmer qu'elle incarne la tradition classique en digne ambassadrice de l'art du baile flamenco sur les scènes internationales et qu'elle sert avec brio cet art qu'elle qualifie de vital pour elle.
Que peut on rajouter ou enlever à ce spectacle ? Un son parfait, une danseuse passionnée, fine, racée, au niveau technique excellent et une direction musicale « aux petits oignons ». Des moments de silence dignes des plus grandes faenas au cours de la majestueuse farruca et dans le maniement de la bata de cola. Mercedes Ruiz impose un silence noble et généreux. Et dompte le temps.
La bailaora déploie son élégance et son feu « intérieur » dans une série de tableaux et de palos où elle évoque la grâce féminine, un thème qu'elle a beaucoup travaillé, et sa relation au baile, sans jamais tomber dans l'autosatisfaction. Elle danse pour danser, portée par la direction musicale impeccable de Santiago Lara et accompagnée de deux cantaores habitués de sa compagnie : El Londro, que Miguel Poveda a parrainé dans son label dédié aux jeunes cantaores, et Miguel Lavi, qui remplace David Lagos présent dans la version d'origine. Malgré quelques soucis de micro, le soin et la qualité apportés à la sonorisation du spectacle sont à saluer et ont beaucoup contribué à la transmission des émotions.
La jeune jerezane au visage de Nefertiti s'est distinguée dans une farruca sublime avec un costume qui affiche nettement ses références : la figure de Carmen Amaya est omniprésente. De la gravité et solennité de la première partie du spectacle, on passe peu à peu à l'allégresse et on voit enfin la bailaora s'épanouir et montrer ce sourire qu'elle a ravageur. Pour finir cette confession de femme, elle revient aux sources « humbles » du flamenco. Elle revêt un tablier pour danser por bulerias, « le » style de Jerez, sa ville natale. Elle passe du costume glamour de la scène à la robe de la maison. Retour aux sources, à la famille, au clan, pour exorciser l'univers intérieur forcément tourmenté. Un moment où la tension s'envole.
Tout est soigné, élégant, raffiné, sans tricherie aucune, sans jamais tomber dans le mielleux, grâce à un tempérament de feu porté par des musiciens attentifs. Un des grands qualités de Mercedes Ruiz, c'est de n'être jamais froide et de ne jamais tomber dans l'écueil de la performance technique, maîtrisant aussi bien le zapateado que les brazos qu'elle a longs et divins.
Des talons jusqu'à la tête, de la bata de cola au mandil (tablier), il n'y a qu'un pas que Mercedes Ruiz franchit allégrement dans cette allégorie du tourment intime qui débouche sur un somptueux don de soi, un magnifique et délicat azulejo, ovationné à juste titre.
Que peut on rajouter ou enlever à ce spectacle ? Que Jerez est décidemment la ville des pharaones.