8co80 a étrenné un montage particulièrement osé pour ses débuts à la Biennale sévillane. Un mélange de textes classiques, parmi lesquels Homère, Plutarque et Quinte-Curce. Et un ensemble esthétique et chorégraphique imprégné de manières contemporaines.
Pour ce qui est de la musique, nous nous trouvons devant une proposition dans laquelle le cante s'articule comme un texte dramatique. La partition harmonique dirigée par Raúl Cantizano crée un lien entre la rectitude flamenca, l'avant-garde sonore du propre arte grande et les sons de l'autre rive de la Méditerranée. Une recherche inspirée sur l'union entre l'Orient et l'Occident que le propre Alexandre le Grand cherchait à travers ses conquêtes.
Le récit naît du cante de trilla, avec Cassandre et Olympe, la mère d'Alexandre, avant son exécution publique. Olympe jouera la narratrice durant toute la cérémonie depuis une tour en bois.
Avec Juan José Amador jouant le rôle de choryphée dans les chants - ndlr : chef de choeur dans les tragédies grecques - , la siguiriya raconte la naissance d'Alexandre. Un exercice dans lequel le démembrement du baile se montre comme le principal attrait de la scène.
Por abandolaos se présente Marcos Vargas comme Héphaïstéion. Les pasos a dos nous apportent des instants de grande énergie, et l'accompagnement de la zanfoña et du santour donnent lieu à une transition musicale vers des sonorités orientales.
Après la nana avec un Alexandre endormi sur scène, la conquête de la Perse se symbolise dans la danse que Marcos Jiménez réalise dans la peau de Bagoas, un baile avec un pied dans le flamenco et l'autre dans les danses de style arabe, avec une forte composante d'ambiguité sexuelle présente à tout moment.
La vidalita raconte l'accueil comme un fils d'Amón qu'Alexandre reçut en Egypte et se poursuit avec l'apparition de Roxanne, interprétée par une superbe Chloé Brûlé. Le combat pour la conquête de l'amour et du pouvoir nous offre des passages dramatiques d'une grande intensité, avec une tension renforcée par la musique et l'interprétation collective des quatre danseurs.
La trilla finale coincide avec la mort d'Héphaïstéion, la décadence d'Alexandre et la fin du bannissement d'Olympe qui revient au moment de son exécution des mains de Cassandre.
Le spectacle bénéficie d'une composition dramatique soignée et bien construite. Il n'y a pas de failles à ce niveau, et tant les textes que la partition corporelle dénotent un travail évident.
Esthétiquement le montage est un prodige, avec des costumes dont le summum est celui d'Olympe. Trois mètres de tissu depuis les pieds jusqu'au sol, qui changent de couleur en fonction de l'illumination et qui servent de support à diverses projections.
Les éclairages sont satisfaisants, sans excès, créant des atmosphères de grande beauté. Il n'y a pas d'éléments superflus et les chorégraphies accentuent les sensations esthétiques. Notons l'exquis travail de Chloé avec la bata de cola.
Comme impression générale il faut dire que si à certains le travail de Rocio Molina paraissait déjà peu flamenco il y a quelques jours, celui-là leur ferait dresser les cheveux sur la tête. C'est une des propositions les plus contemporaines jamais vues par celui qui écrit, et cela peut paraître parfaitement inhospitalier voire agressif pour le public orthodoxe.
L'oeuvre, il ne faut pas oublier que nous parlons d'un montage théâtral, pourrait tomber dans un excès d'intellectualité. Il est difficile pour quelqu'un qui ne connaît pas un peu l'histoire de comprendre la ligne directrice. L'autre problème qu'il peut y avoir est absolument logique et rémédiable, il y a des moments où le spectacle se recentre trop sur l'espace scénique et oublie le public. Quelque chose de normal si l'on part du principe que nous nous trouvons à une première.
Una proposition très différente, enracinée dans la recherche de chemins théâtraux pour le flamenco que des compagnies comme Teatro Lebrijano ou La Cuadra de Sevilla ont commencé à explorer il y a quelques décennies. Bien cuisiné, mais probablement pas adapté à tous les palais.
A la même heure au Teatro Lope de Vega, Valderrama, fils du célèbre Juanito Valderrama, présentait un spectacle rendant hommage aux grandes figures du cante.