La XXIème édition du Festival Arte Flamenco vient de s'achever. Après avoir fêté ses vingt ans l'an dernier, le festival amorce un tournant de son histoire. L'affiche déjà, simple et sobre, contraste avec celles colorées des années précédentes, annonçant une rupture avec le passé. Les nouveautés de l'an dernier ont été consolidées : l'ouverture du Café Music tous les soirs pour des scènes ouvertes fut un vrai succès, le Video Cantante a attiré de nombreux spectacteurs, et les spectacles de rue ont été pris d'assaut. Mont-de-Marsan cette année était en totale connexion avec les arts visuels : sur les murs de la ville, le corridor du café cantante ou encore les cartes postales remises aux stagiaires, les photos et autres oeuvres picturales ont attiré tous les regards, stimulant la vue des aficionados.

La venue de Carlos Saura était le grand événement du Festival. Le réalisateur, en pleine préparation de son spectacle "Flamenco Hoy" qui sera présenté à Madrid du 18 au 23 Août prochains était néanmoins présent à Mont-de-Marsan pour une toute autre raison : la présentation de son exposition de photographies de flamenco, dont beaucoup ont été réalisées sur le tournage du film "Flamenco" dont il prépare actuellement une seconde partie. On y retrouve ainsi des images de Manuela Carrasco, Cristina Hoyos, Antonio Gades, la famille Farruco au grand complet, Paco de Lucia, Manolo Sanlucar, Lola Flores, Vicente Escudero, Remedios Amaya, Fernanda de Utrera, Enrique Morente...

Au final un festival dont la recette continue de fonctionner, même s'il manquait parfois un peu d'émotion sur les plateaux. Le duende n'est jamais là où on l'attend, et peut-être était-il moins présent sur scène que lors d'une juerga improvisée au lycée vers 5h du matin...

Les stagiaires qui avaient choisi l'hébergement au Lycée Victor Duruy se sont vus remettre dès leur arrivée un jeu de cartes postales imprimé de photos réalisées l'an dernier par Sébastien Zambon, Serge Lafourcade, Cyrille Vidal et David Le Déodic, ces mêmes photographies étant exposées en grand format dans divers lieux de la ville. La Yerbabuena, Rosario Toledo, Pilar Ogalla, Pepa de Benito...de quoi se rappeler de merveilleux souvenirs...et les emporter avec soi. Cette année, côté baile, les danseurs pouvaient s'initier avec Zaida Perez et Maribel Ramos, se perfectionner avec Leonor Leal, Manuela Rios, Felipe Mato et Juan Ogalla, et enfin se confronter à la master-class de José Galvan pour les plus avancés. Tomasito, Maribel Ramos et le guitariste El Pulga assuraient les cours de palmas avec brio. Côté guitare les élèves de différents niveaux étaient répartis entres les classes de Pierre Pradal, Manuel Berraquero et Eugenio Iglesias. Les cours de cajon étaient assurés comme l'an dernier par Antonio Montiel.

Seulement deux conférences au programme cette année, mais plus denses que l'an dernier. L'une d'elle menée par le grand critique de flamenco du quotidien andalou "El Correo de Andalucia" Manuel Bohorquez traitait d'un sujet qui aurait pu faire l'objet d'un ouvrage à part entière, les antagonismes viscéraux entre Manolo Caracol et Antonio Mairena qui ont donné naissance à deux "Esthétiques gitanes" mais aussi à deux courants s'apparentant à des tendances politiques : le caracolismo et le mairenismo. Manolo Caracol et Antonio Mairena, dont on fête le centenaire de la naissance un peu partout en Andalousie cette année ont pour point commun d'être tous deux nés dans des familles gitanes de Cadiz. Mais ils étaient très différents, et leur compétition était plus personnelle qu'artistique. Manolo Bohorquez revint sur le parcours de chaque cantaor. Concernant Mairena, le conférencier précisa qu'il devait beaucoup au danseur Antonio "El Bailarin" qui en le choissant comme chanteur lui avait permis de parcourir le monde, et expliqua la façon dont le concours de la Llave de Oro avait été truqué pour faire gagner Mairena, avec le concours de son ami Ricardo Molina. Caracol était l'opposé de Mairena. Franquiste, homophobe, alors que Mairena était républicain, Caracol avait par ailleurs un goût prononcé pour la mise en scène du flamenco. Son tablao "Los Canasteros" à Madrid était un endroit mythique.

La conférence sur les arts visuels a permis de mettre en relief le lien entre le flamenco et les arts visuels à travers le travail réalisé par deux membres du collectif "Tendance Floue", Mat Jacob et Gilles Coulon et les peintures de Mathieu Sodore regroupées sous le nom "La Musica Callada del Cantaor".

Le concept de Café Music lancé l'an dernier qui avait eu un peu de mal à démarrer a très bien fonctionné cette année. Nombreux sont les aficionados à s'être lancés sur scène pour participer à la fête. Les nîmois Juanma Cortes (cajon, guitare et cante) et Eva Luisa (baile) ont beaucoup contribué à l'ambiance. Côté sévillanes, la cave à vin de Patrick et le Dix Bis n'ont pas désempli. La Bodega a accueilli sur sa scène la compagnie Eva Luisa mais aussi trois formations parisiennes (Karine Gonzalez, Calle Cerezo et le Grupo Planeta Andalucia).

Pierre Pradal a enseigné les bases de la guitare flamenca aux débutants avec une patience d'ange et une rare générosité, n'hésitant pas à prolonger les cours d'une heure ou consacrer du temps supplémentaire aux élèves en difficulté, tout ça malgré des soucis de santé. Nous lui souhaitons un prompt rétablissement.

Mention spéciale aussi pour le sympathique Eugenio Iglesias qui en plus du stage dispensé le matin était de tous les concerts.