L'interview de la semaine 

Moi de Moron : chanteur de la frontera 

 

Après avoir longtemps cherché qui était l'interprète de la chanson "un compromiso", utilisée comme accompagnement musical des défilés du SIMOF 2006, je découvrai finalement son identité sur myspace l'an dernier : il s'agissait de Moi de Moron, de son vrai nom Moises Cano Rodriguez, le chanteur de Son de La Frontera, un cantaor à la voix rauque très efficace dans le cante traditionnel. C'est donc avec beaucoup d'intérêt que je le rencontrai lors de son passage à la Maison des Cultures du Monde.


Moi nous étions très déçus la semaine dernière car le concert de Son de La Frontera prévu pour le 16 Novembre a été annulé au dernier moment, que s'est-il passé ?

Ce n'est pas le groupe qui l'a annulé mais les managers. Il y avait un problème de grêve des transports ici, et seulement trois ou quatre jours avant le concert très peu de places vendues. Alors comme c'était une opération de promotion que nous faisions pour SON DE LA FRONTERA avec le manager de la société de production, ça nous aurait coûté plus de frais que ce que l'on aurait gagné. C'est pour ça qu'ils ont préféré reporter le concert à un meilleur moment, pour qu'il y ait plus de monde. Nous avons vraiment très envie de venir ici à Paris et en France plus souvent pour travailler, car il y a un bon public pour le flamenco.

Quelle serait ta définition du flamenco ?

Pour moi le flamenco est une expression, c'est une façon de s'exprimer, tant par le baile, la guitare que le cante. Ce qui fait la force du flamenco, c'est que c'est toujours une façon de transmettre quelque chose : des sentiments, une âme...

Comment as-tu choisi le cante ?

En fait c'est assez curieux et je suis content que tu me poses la question, car j'ai commencé par jouer de la guitare. Quand j'avais à peine 5-6 ans je prenais des cours de guitare, et j'ai joué de la guitare jusqu'à 9-10 ans. Et ensuite je me mis à chanter, car j'aimais beaucoup Juan TALEGA, Fernanda, Bernarda DE UTRERA... Et cette façon de transmettre me plaisait tellement que j'ai commencé à chanter por solea, car j'adorais la solea. Je me souviens beaucoup de Juan TALEGA, de PERRATE...Et même mes amis qui m'écoutaient jouer toute l'année me disaient "Tu chantes mieux que tu ne joues". Mais en réalité je me sens aussi bien en jouant qu'en chantant, car ça me permet de m'exprimer. Alors j'ai commencé à chanter et voilà.

Pour moi ton cante est typiquement gitan, es-tu gitan ?

Merci mais je ne suis pas gitan. Je n'ai aucune origine gitane. Mais c'est vrai que depuis tout petit, à part des amis payos comme moi j'ai toujours eu beaucoup d'amis gitans. Tous chantaient, jouaient de la guitare, j'ai grandi dans cette ambiance alors ça peut sonner gitan.

"J'ai appris
en écoutant beaucoup" 




On dit que, bien que tu sois jeune tu chantes comme les anciens…as-tu appris avec des maestros ?

Oui on dit ça. J'ai appris en écoutant beaucoup. J'ai aussi la chance de venir d'un village tellement flamenco comme Moron de la Frontera.

As-tu un palo favori ?

J'ai trois palos préférés. Mon premier palo, je l'adore, car je pense que c'est la mère du flamenco, c'est la solea. Mon second palo, pour moi le père, c'est la siguiriya. Et mon troisième palo avec lequel je peux m'amuser un peu, sourire et me divertir, c'est la buleria. J'aime chanter tous les palos, je me sens bien por alegria, por malagueña, taranto…mais si devais choisir trois palos je choisirais ces trois là : solea, siguiriya, buleria.

Ecris-tu des letras ?

Tout le monde dit que c'est une chose que l'on doit faire. Car si tu ne n'écris pas tu ne sauras jamais chanter. Mais en réalité je ne m'y suis jamais mis, car je vois ça comme quelque chose de très compliqué pour moi, je trouve que c'est un art immense de savoir écrire.

D'où te vient ton inspiration lorsque tu chantes ?

Avant lorsque j'étais petit mon inspiration me venait de cette culture, de notre flamenco, mais aussi de la guitare de Diego del Gastor, de mon amour pour ce toque. Et maintenant mon énergie pour monter sur scène et chanter vient de ma fille. J'ai une fille de deux ans, et depuis qu'elle est née on dirait que je chante plus pour elle que pour le public.

Pour toi que représente Diego DEL GASTOR ?

Pour moi, avec tout mon respect, Diego DEL GASTOR a été le plus grand guitariste à avoir joué. C'est mon opinion, je ne veux offenser personne, l'éventail des goûts est très large et pour moi Diego DEL GASTOR c'est la façon la plus gitane que l'on puisse jouer, et avec le plus de cœur.

As-tu des projets en solo ?

En réalité je ne m'étais jamais posé la question car je pense qu'à 30 ans je suis jeune. Je n'ai pas encore assez d'expérience pour raconter quelque chose, je dois attendre de mûrir plus. Ce n'est pas quelque chose que je recherche, cela doit venir à moi naturellement. Mais c'est vrai ça me plairait d'enregistrer pour moi seul, j'aimerais travailler avec différents guitaristes et faire un disque de flamenco traditionnel, car c'est ce qui me plaît. Mais petit à petit. Je veux continuer à apprendre. Plus les années passent et plus tu te rends compte que tu ne sais rien.

Je me sens très bien pa'tras, j'adore chanter pour le baile, il y a une étincelle avec les danseurs, et si ça se trouve je pourrai perdre cette étincelle en chantant seul avec un guitariste. Il faut prendre un peu de recul et voir si Dieu veut un jour que ce soit mon tour.

Pour finir peux-tu nous chanter quelques tercios de la chanson "Un compromiso"?

Après avoir chanté un compromiso (buleria) a palo seco, Moi tient à s'excuser au nom du groupe Son de la Frontera pour l'annulation du concert de la semaine passée.


Questions : Murielle TIMSIT
Montage audio : Muriel MAIRET
Traduction : Murielle TIMSIT

Remerciements à Moi DE MORON qui s'est produit récemment à la Biennale de Séville, et à Coline-Lee TOUMSON de la Maison des Cultures du Monde

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flamenco-culture.com - 23 Novembre 2007