Que manque t-il au cante d'aujourd'hui ?
Il lui manque que personne ne sait, personne ne sait chanter. Il n'y a rien à l'intérieur, car il faut être desespéré et naître désespéré pour
faire ça. Si tu n'est pas déchiré, c'est un mensonge, tu glapis comme les chiens, tu fais du bruit...
Il y a des pays où on chante avec quatre phrases, comme au Japon, au Mexique, et en Espagne. La solea a trois ou quatre phrases, ça dépend comment ça commence. Le Japon c'est pareil, quatre ou cinq phrases dans la chanson. Mais en Amérique et dans ce pays aussi, pourquoi commencent-ils à chanter ? et quand finit la voix ? il n'y a pas de fin.
"Plus personne ne sait chanter"
©Murielle Timsit
Le palo qui te plaît le plus c'est le martinete ?
Ce n'est pas que ça me plaît plus. Les chants les plus grands sont les siguriyas, la solea est très jolie aussi, très tendre et très triste, mais la siguiriya est le père du cante. Le martinete c'est autre chose pour nous. Quand nous chantons por martinete, ça se réfère à notre famille, au passé en prison. C'est ce qu'ils faisaient dans les prisons où ils étaient enfermés. Agujeta se met soudain à chanter por martinete, un moment magique à retrouver dans l'audio de cette interview.
Tu écris tes propres letras aussi ?
Je ne sais pas écrire alors je les dicte à Kanako qui me les écrit.
D'où te vient ton inspiration pour chanter avec tant de force ?
Ce qu'il y a en moi, le coeur, et me fâcher avec elle dit-il en désignant Kanako. Tous les couples se disputent pour quelque chose, pour n'importe quoi.
Ce soir tu seras accompagné par Antonio Soto avec qui tu as souvent travaillé, es-tu un homme fidèle ?
Agujeta fait venir Antonio Soto dans la loge mais ne répond pas directement à ma question. C'est le meilleur guitariste qu'il y a en Espagne pour l'accompagnement, mon guitariste Antonio Soto. Je souligne que c'est aussi celui de Fosforito et Antonio ajoute qu'il accompagne beaucoup d'autres artistes en me citant une longue liste.
Comment vois-tu ton parcours aujourd'hui ?
Bien, je le vois bien. J'ai parcouru le monde, je suis allé partout sauf en Australie. Je suis analphabète de la lecture et de l'écriture, mais je ne suis pas analphabète du monde.
Merci à Chantal Albertini pour sa contribution à la réalisation de cette interview, et à Luis Roman pour son aide dans la transcription en espagnol.