Lorenzo Ruiz et Cécile Miquel

La semaine flamenco c'est la convivialité

Cette année encore à Mont-de-Marsan, il y a eu des blessures, et des personnes pour sauver les situations. Alors que l'an dernier Felipe Mato avait remplacé deux professeurs blessés ou malades, assurant quatre stages par jour, cette année c'est du côté de la Bodega que les drames ont eu lieu. Ana Yerno, blessée quelques jours avant la représentation qu'elle devait donner a été remplacée, devinez par qui ? Felipe Mato ! Alejandra Gonzalez qui devait danser dans le spectacle de Manuel Delgado s'est elle blessée deux heures avant le spectacle. Très attristée, la bailaora mexicaine remerciait quand-même ce "bailaor tombé du ciel" qui prit au pied levé - jamais cette expression n'aura eu autant de sens - sa relève. Peu de danseurs en France auraient relevé un tel pari, mais Lorenzo Ruiz l'a fait sans hésiter. Le lendemain du spectacle, Lorenzo Ruiz et Cécile Miquel de la Reja Flamenca étaient encore à Mont-de-Marsan et ont accordé à Flamenco Culture l'entretien qui suit.

Juanma Cortes, Cécile Miquel et Lorenzo Ruiz

Lorenzo tu as remplacé au pied-levé Alejandra Gonzalez hier soir à la Bodega, peux-tu me dire ce qu'il s'est passé ?

En fait Alejandra s'est blessée, elle s'est fait un claquage à la jambe, et donc il a fallu que je la remplace au pied-levé, mais avec une super équipe, parce que Manuel Delgado, Alberto Garcia et toute la compagnie c'était quand-même une chouette équipe, donc ça a très bien marché.

En fait j'étais venu en touriste. Cécile Miquel de la Reja ne connaissait pas Mont-de-Marsan et je lui ai dit "Cette année puisque je n'y travaille pas on va y aller en touristes".

C'est bientôt la 4ème Semaine Flamenco de Rivesaltes, pouvez-vous me parler du contenu de cette édition ?

Lorenzo Ruiz : c'est toujours sur le même principe. Il y aura des spectacles en salle respectivement avec Ana Morales, Concha Jareño et La Lupi. Il y aura des noches flamencas gratuites. Les noches flamencas c'est un petit peu le principe de la féria ; il y a des petites bodegas avec une scène centrale où il y aura tous les soirs un spectacle proposé par des artistes français, qui sera gratuit. Donc on va avoir la chance d'avoir Eva Luisa qui va nous faire un spectacle et qui en plus va encadrer les niveaux débutants de danse, Iñaki Marquez qui vient de Barcelone, et puis Laura Clemente de Montpellier. On va aussi avoir un récital de chant avec El Pulga et Curro de Maria à la guitare sur une petite place du village de Rivesaltes.

Cécile Miquel : en fait c'est une semaine d'immersion totale dans le flamenco avec en journée des stages et tous les soirs des activités. Au total il y a une dizaine de spectacles, des expositions, des conférences... il y a vraiment plein d'animations. Et les trois derniers soirs on a les trois beaux spectacles en salle aux Dômes qui est une grande salle qui accueille 800 personnes, c'est très sympa car le public est vraiment sur la scène, on aura la scène en plein milieu, c'est le même principe que le tablao mais en grand. Et sur la grande place du village on va faire une feria avec une scène, des bodegas, des stands, des sévillanes, des spectacles, et on passe une super soirée.

Combien de stagiaires attendez-vous cette année ?

On attend entre 350 et 400 stagiaires sur 19 stages, et à ce jour il y a déjà 230 inscriptions.

Qui va enseigner cette année ?

L.R : Concha Jareño, La Lupi et Eva Luisa pour la danse, El Pulga au chant, Curro de Maria à la guitare, Laurence Godon à la peinture... Parce qu'on aura aussi un stage de peinture flamenca, c'est la deuxième année qu'on tente l'expérience et cette année ça a l'air d'accrocher. Du cajon avec Juan Manuel Cortes, et moi je m'occupe des palmas quand-même, parce que je ne suis pas seulement le directeur artistique.

Comment choisissez-vous les artistes ?

L.R : les artistes ça se choisit toujours de la même manière, il faut qu'ils soient de bons artistes bien entendu, donc personne ne met en doute la qualité du travail des gens que je t'ai nommés, mais ce sont surtout de bonnes personnes. C'est important pour nous que ce soit des gens de coeur et des gens qui soient prêts à partager pendant une semaine leur vie avec tous ces stagiaires, tous ces gens avec qui on va partager, avec qui on va partager des journées très très très longues, et donc des gens qui sont très généreux. Tous les artistes que l'on va avoir sont des gens humainement fantastiques, des gens qu'on aime beaucoup. Voilà, c'est comme ça qu'on les choisit.

C.M : ce sont des artistes de coeur.

Comment avez-vous connu Concha Jareño ?

L.R : Concha Jareño c'est le coup de coeur de La Lupi. Quand la Lupi te dit "Il te faut elle parce qu'elle est des nôtres" tu ne peux qu'acquiescer et tu la suis dans son raisonnement. Donc ensuite tu fais la connaissance de Conchi, tu discutes avec elle, et tu te rends compte qu'effectivement elle est parfaitement dans la mouvance du festival, dans la mouvance qui est la nôtre, du partage, du flamenco pour tous.

Et El Pulga ?

L.R : El pulga c'est pareil, c'est parce que c'est un des chanteurs que Lupi a en ce moment, et Concha Jareño aussi d'ailleurs, puisqu'il va chanter dans leurs deux spectacles. Et pareil, là encore c'est un artiste hors-pair avec des qualités humaines de partage de son art du chant qu'on va avoir la chance en plus d'avoir pendant les stages, qui font de lui vraiment un être très très spécial.

Donc finalement La Lupi a un rôle très important dans les choix artistiques ?

L.R : C'est très important parce que le but c'est que tout le monde se sente bien. C'est-à-dire que l'équipe qu'on réunit il faut qu'elle-même se sente très proche les uns des autres. Donc nous on se sent très proches de La Lupi et de Curro de Maria, qui pour nous vont faire cette colonne vertébrale de l'encadrement. On sait qu'ils s'entendent très très bien avec Eva et Juanma puisqu'on a déjà tenté le coup tous ensemble. Donc en fait il suffit d'y intégrer Concha Jareño qui est une artiste qui aime beaucoup Lupi et El Pulga. Donc c'est facile, c'est finalement très très facile. Il n'y a pas d'association particulière, c'est vraiment quelque chose qui se fait très naturellement. D'ailleurs c'est pour ça que tous les artistes répondent oui à notre proposition.

Qu'est-ce qui par exemple différencie votre festival de celui de Mont-de-Marsan ?

Les subventions ! s'exclame Lorenzo en plaisantant. Evidemment on n'a pas les moyens bien entendu de Mont-de-Marsan, et puis on ne cherche pas non plus à être comparés à Mont-de-Marsan, ce n'est pas le but. On vient parce que ça nous plaît, on est très bien ici, mais nous c'est un festival qui est particulier, car c'est d'abord celui de Cécile et de moi, c'est le nôtre, et puis c'est un festival familial, je crois que c'est le mot qui lui convient le mieux. Tout se fait dans une enceinte qui est finalement assez petite ; tout le monde va se voir, tout le monde va se connaître et on va tous et tout partager vraiment pendant une semaine, on va se voir tout le temps. Donc ça lui confère un esprit très particulier. Les salles de danse sont aussi des salles d'exposition, donc ça fait que même les gens qui viennent voir les expositions voient aussi les gens qui dansent. Tous les cours sont ouverts, c'est-à-dire qu'on peut aller voir le cours de chant, on peut aller voir le cours de guitare... Après il y a des interactions entre les cours. Le mercredi soir on a ce qu'on a appelé la "Séance collective" qui est une séance où on met en commun tous les guitaristes avec les percussionnistes, les chanteurs et les danseurs et ça donne à chaque fois des moments très très particuliers et très très conviviaux. C'est ça, nous c'est la convivialité avant tout, le fait de partager. Et on met en avant le fait qu'il n'y a pas de différence de niveau dans le flamenco parce que quand on aime il y a de la place pour tout le monde, pour les grandes figures comme pour les débutants, tout le monde a sa place et tout le monde a quelque chose à dire, il va y avoir une manière de l'exprimer, et nous on milite pour ça. Et c'est pour ça que cette semaine a un esprit différent de ce magnifique festival qu'est Mont-de-Marsan.

C.M : par rapport à l'ambiance familiale je voudrais rajouter que les stagiaires reviennent, et que quand ils ne peuvent pas venir, ils nous contactent pour nous le dire, c'est ça qui est super, c'est de garder le contact avec eux.

L.R : on a l'impression de faire un petit peu partie de leur vie ne serait-ce qu'une semaine par an et ça c'est top.

Comment ça se passe pendant la séance collective, comment arrivez-vous à motiver les gens pour qu'ils se lancent ?

L.R : C'est plus simple que ça en réalité. Le Festival va fêter son 4ème anniversaire et on a des gens qui sont avec nous depuis le début. Donc cette atmosphère qui a été créée lors du premier festivala continué lors du 2ème et du 3ème. C'est quelque chose qui nous dépasse complètement. Et cette ambiance fait en sorte que tous les gens qui viennent se rajouter n'ont pas d'autre choix que de se mettre dans la mouvance de ce qui existe déjà. Le premier jour du festival on a l'impression d'être dans la continuité du festival précédent, car c'est comme si l'esprit revenait. C'est quelque chose que nous avons peut-être amorcé, mais que les gens se sont approprié. Et donc les gens qui viennent se rajouter n'ont pas d'autre choix que de suivre la vague.

Est-ce que tout le monde participe à la séance collective ?

L.R : Tout le monde participe. On n'oblige personne, ce n'est jamais obligatoire chez nous, mais tout le monde y participe, et c'est un moment qui est magique, parce que chacun va présenter ses trois petits jours de travail, et quand on voit la tension qu'il y a dans cette salle c'est fantastique, car il n'y a pas de spectateur, on veut que tout le monde réussisse, et ça va des débutants débutants qui ont autant de succès que le super cours avancé. C'est vraiment quelque chose de magnifique, on est dans le partage et dans le langage, c'est un moment magique, et tout le monde se lance. Tout le monde est réuni autour de la même passion et il n'y pas de valeur de niveau, donc il n'y a pas de critique non plus. On est tous là pour la même chose et on est tous ensemble. C'est pour moi l'un des moments les plus importants du festival et je crois que c'est vraiment son identité, ce moment là qu'on passe tous ensemble.


Flamenco Culture, le 09/07/2011


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