María Ángeles Carrasco

Le flamenco est la carte d'identité andalouse

Rencontre avec la sympathique directrice de l'Agence Andalouse pour le Développement du Flamenco, qui était en visite à Nîmes lors du premier week-end du festival. L'occasion d'avoir des réponses aux questions que l'on se pose suite à l'inscription du flamenco sur la liste représentative du Patrimoine Culturel Immatériel de l'Humanité de l'UNESCO.


D'où venez-vous ?

Je suis d'un village de Cadiz qui s'appelle Ubrique, mais maintenant je vis à Séville.

Quelle est votre relation au flamenco au niveau personnel ?

Ma relation au flamenco est celle de n'importe quel andalou. Je n'ai pas été spécialement liée au flamenco dans mes études ni dans ma profession, mais il fait partie de ma vie comme de celle de la majorité des andalous, à travers la famille qui en a toujours écouté, à travers les fêtes populaires, les différentes manifestations de la Semaine Sainte, les ferias, les romerias, et à la maison, par le frère et le grand-père.

Avez-vous une connaissance théorique, pratique du flamenco ?

Des connaissance théoriques, oui un peu, mais pratiques non. Je ne chante pas, je ne joue pas de la guitare, je ne danse pas. J'ai approché le flamenco à travers la gestion culturelle en général.

Que faisiez-vous avant de travailler à l'agence ?

Je suis économiste, je suis licenciée en administration et gestion des entreprises, et je m'occupais de la direction commerciale de différentes entreprises.

Quel est le rôle de l'agence ?

L'Agence Andalouse pour le Développement du Flamenco a été créée en 2005 pour centraliser la politique du Ministère de la Culture et de la Junta de Andalucia au sujet du développement flamenco, avec l'intention d'avoir une démarche unique et de réunir tous les efforts et toutes les politiques de développement.

Pensez-vous que la campagne de communication que vous avez réalisée pour l'inscription du flamenco au patrimoine culturel immatériel a influencé la décision de l'UNESCO ?

La campagne avait pour objectif de faire connaître précisément la candidature du flamenco pour être reconnu patrimoine culturel immatériel de l'humanité. Un des prérequis fondamentaux pour pouvoir présenter un élément à l'UNESCO était qu'il soit soutenu par la communauté qui le présentait. L'appui de la communauté qui le présentait était nécessaire, il y avait déjà 300 lettres de personnes appartenant au flamenco, mais nous ne voulions pas seulement avoir le soutien de la communauté artistique, car le flamenco n'est pas seulement une représentation artistique mais une représentation culturelle, une carte d'identité, un mode de vie. C'est pour cela que nous avions besoin du soutien de tous les andalous, de tous les espagnols, et nous voulions aussi qu'il y en ait un soutien étranger pour que l'UNESCO voit que le flamenco n'est pas une manifestation culturelle qui se vit seulement en Andalousie, Extrémadure ou Murcia, les communautés à avoir présenté la candidature, mais aussi dans toute l'Espagne et dans beaucoup de communautés en dehors d'Espagne.

Maintenant que le flamenco est patrimoine de l'humanité, quel va être le rôle de l'Agence, allez-vous mettre en oeuvre le plan de sauvegarde décrit dans le dossier de candidature ?

Le fait que le flamenco soit reconnu patrimoine de l'humanité n'était pas une fin mais une étape de plus. Nous n'avons pas terminé notre travail. C'était une tâche, un objectif au sein d'un plan plus large de protection du flamenco. Le flamenco est déjà protégé par le statut d'autonomie de la communauté andalouse qui dans son article 68 le reconnaît comme manifestation culturelle. Maintenant il est protégé au niveau gouvernemental car c'est l'Etat qui a présenté la candidature auprès de l'UNESCO et il a des engagements immenses devant l'organisme international qu'est l'UNESCO. Maintenant l'agence doit faire le lien entre l'Etat et la Junta et rendre des comptes à l'UNESCO pour rester sur cette liste représentative. C'est elle qui va mettre en oeuvre le plan de sauvegarde.

Et avec quels moyens ?

L'agence a un petit budget qui est divisé entre des collaborations, études, investigations, le Centro Andaluz de Flamenco. Nous avons déjà une partie de ce que l'UNESCO demande. L'UNESCO demande un centre spécialisé, et nous l'avons déjà depuis plus de vingt ans. Le Centro Andaluz de Flamenco est le plus grand centre de documentation au monde pour le flamenco. Nous allons augmenter les fonds de ce centre. L'UNESCO demande aussi que l'on ait une structure pour le contrôler, et nous l'avons depuis 2005 avec l'Agence. Maintenant nous devons juste continuer à travailler et augmenter tous ces fonds et cette protection que nous avons déjà mise en oeuvre depuis plus de vingt ans dans l'autonomie andalouse.

Selon l'UNESCO, le plan de sauvegarde est appliqué dans le pays qui a émis la candidature, les actions que vous allez entreprendre ne seront donc qu'au niveau national ?

La protection correspond à l'Etat membre. L'Etat membre a son plan de protection, son plan de diffusion... Mais ça ne veut pas dire que cela se fait seulement au niveau national. L'Agence Andalouse du Flamenco appartient à l'Andalousie mais elle fait la diffusion du flamenco aux niveaux national et international. Maintenant la relation de l'UNESCO est uniquement avec l'Etat membre. L'Etat membre réalise ses actions dans la communauté andalouse, mais la projection n'est pas seulement en Andalousie ni en l'Espagne, au contraire, cela suppose une projection mondiale.

Une des actions à court terme va être d'inclure le flamenco à l'école...

Demain matin à 10h a lieu la première réunion d'une commission, d'une équipe de travail composée d'experts du flamenco et de l'éducation, pour l'inclusion du flamenco dans le programme scolaire. C'est une des premières actions qui était un peu en suspens, et demain a lieu la première réunion. L'équipe va définir comment faire cela, quels sont les différents niveaux scolaires concernés, quoi faire et quand.

Il y a deux jours que vous êtes à Nîmes, que pensez-vous du festival ?

Ce n'est pas ma première visite au festival, j'étais déjà venue deux fois avant d'être directrice de l'Agence. Je pense que c'est le prototype de festival que l'on aime retrouver en dehors d'Espagne car il ne se limite pas à la partie artistique, mais prête aussi beaucoup d'attention aux enfants, qui est le public du futur, ce sont ceux qui doivent connaître le flamenco et le festival de Nîmes le sait et leur accorde une attention spéciale. Il se préoccupe tous les ans de leur dédier une programmation spécifique. Il s'occupe aussi de la formation. Il y a un cycle complet de conférences pour que les gens connaissent plusieurs domaines du flamenco.

Comment voyez-vous l'avenir du flamenco ?

Le flamenco a un grand potentiel. En Andalousie, nous devons essayer qu'il devienne notre industrie culturelle, pas seulement notre culture mais aussi notre industrie culturelle, car c'est la seule carte d'identité que nous avons, c'est ce qui nous différencie le plus du reste des cultures. Il y a du flamenco dans beaucoup d'endroits mais ce n'est pas la même chose qu'en Andalousie. Nous sommes conscients que nous vivons tous une situtation économique difficile, y compris dans la culture, tous les secteurs de la culture sont touchés, et le flamenco également. Mais je pense que nous devons nous adapter aux changements, beaucoup travailler, et ensuite le flamenco sera ce que veulent les flamencos, c'est certain.


Flamenco Culture, le 16/01/2011

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