José Menese / Agujetas

Así se cantaba y así cantan

Teatro Lope de Vega - 21h

Ambience effervescente hier soir au Teatro Lope de Vega. Avec un titre "Así se cantaba y así cantan" aussi descriptif que prémonitoire, José Menese et Manuel Agujetas vendirent toutes les entrées assez longtemps à l'avance.

Deux styles de cante extrêmement distincts, deux manières de comprendre le flamenco. Menese, spécialiste, mairéniste, orthodoxe jusqu'à la moelle, porte-parole des causes sociales. Agujetas, buvant le flamenco depuis le berceau, puriste mais libre et insolent, racontant et racontant ses propres ennuis. Et pourtant, ils étaient là vers 10h du soir, partageant la scène pour chanter por tonás et martinetes. Essayant de se rappeler le passé et livrant la connaissance du cante puro.

José Menese arriva en expliquant qu'il était un peu estropié, qu'il était tombé et que c'était pour cela qu'il avait le bras en écharpe. Suivit une falseta por granaina pour commencer avec un Menese à la voix très fragile, souffrant pour atteindre les notes les plus hautes. La première letra fut en mémoire de Blas Infante, suivie d'une nouvelle falseta avec la mélodie Asturias d'Albéniz. La voix de Menese fut plus assurée sur les marianas, dans lesquelles le cantaor, bien que n'étant plus au top de ses capacités vocales d'antan, donna une grande leçon de maîtrise du tempo. Il en fut de même dans la farruca, chantée avec des tons graves pour s'accomoder à la gorge du cantaor, une gorge qui termina d'exploser por tientos, où nous vîmes le meilleur José Menese, dominant le compás et laissant tomber les notes finales avec ce style si personnel qui le caractérise. Pour la soleá il choisit Utrera et Alcalá, et Antonio Carrión nous confirma que depuis le premier accord, il était l'indiscutable protagoniste de la soirée. Pour confimer l'état de grâce dans lequel il se trouvait le sévillan s'emballa complètement sur les siguiriyas finales, dans lesquelles Menese donna tout.

Le récital d'Agujetas fut d'une toute autre facture. Il arriva en désignant le sol où Menese avait renversé une bouteille d'eau et commenta qu'il avait l'impression d'être à la plage. Il démarra por soleá et dès cet instant il eut le public dans sa poche. Une fois terminé le cante il lança "Maintenant je vais chanter por soleá, mais d'une autre façon", et il démarra une seconde ronda por Alcalá. Génie et figure. Il introduisit les siguiriyas en racontant que lors d'un concert à Zamora on l'avait comparé à José Tomás et remata, littéralement par "José Tomás en el toro y yo en los chillíos. Vivan los cojones de Dios que me estará viendo". Et après la poésie il passa à la phase critique de la jondura, a l'Agujetas qui flotte dans l'imaginaire des aficionados, la siguiriya à l'état pur. Il força un peu sur les fandangos et por tientos balança le temps et plaça sa voix comme un canon pour nous abattre. Il expédia les tangos avec rapidité et revint chanter por siguiriyas, je ne sais combien de letras, six ou sept, comme celles que l'on chante dans la salle de bain ou la cuisine. Sortant ce flamenco primitif et obscur qui l'a converti en un mythe. A la demande de quelques peteneras de la part du public il répondit "Je ne chante pas ces choses, j'ai vu cette femme et quand j'ai su que c'était la petenera j'ai pris mes jambes à mon cou". Pour conclure des "bulerías pa escuchar" et fandangos, cette fois avec plus de retenue et de sentiment. Antonio Soto fut correct, quelque peu pressé, mais il accompagna bien le jerezano.

La représentation atteignit son paroxysme avec Menese donnant le meilleur de lui-même por tonás et Agujetas faisant de même por martinete. Le spectacle nous donna l'opportunité de comprendre que cet art qui est le nôtre n'est rien sans la mémoire, que l'on ne peut écrire le futur sans connaître le passé, qu'il n'y a pas besoin de réaliser des exercices prodigieux de vélocité pour que l'art nous touche au plus profond. Deux maestros.


Le même soir avait lieu le spectacle "Flamen-pura" du guitariste Niño de Pura au Teatro Central, et une réunion insolite entre des artistes aussi mythiques que populaires dans le monde de la rumba à l'Auditorio Rocio Jurado : Peret, Los Chichos et Kiko Veneno.


Javier Prieto, le 17/09/2010

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Equipe artistique

Cante: José Menese
Toque: Antonio Carrion

Cante: Agujetas
Toque: Antonio Soto


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