Avec sa nouvelle création "Tres", au format très simple, la danseuse Belen Maya a offert le meilleur spectacle de baile de la quinzaine nîmoise. Du grand art.
Il y a près de deux mois, lors de la présentation du 21ème Festival Flamenco de Nîmes à Séville, le conseiller artistique du festival Patrick Bellito avait confié avoir programmé le spectacle "Tres" de Belén Maya sans l'avoir vu puisqu'il s'agissait d'une création. Mais il avait affirmé faire entièrement confiance à Belén Maya, lui ayant donné carte blanche pour cette proposition minimaliste qui figure également au programme des festivals de Jerez et de Paris. Et il ne s'est pas trompé. En effet, "Tres", qui réunit sur scène trois artistes très différents assistés par le bailaor Felipe Mato a véritablement séduit le public présent à cette grande première.
La grenadine Belén Maya, le sévillan Rafael Rodriguez, le jerezan Jesus Mendez : qui aurait eu l'idée de réunir ces trois artistes si différents sur la scène d'un grand théâtre ? A eux trois, parfois rejoints par Felipe Mato, ils réussissent à remplir l'espace scénique de magnifique façon.
Comme libéré du carcan de la tradition jerezana, le cantaor Jesus Mendez se lance por tona de Chacon, zambra, soleares de Alcala et de Cadiz, Bulerias, Solea por Bulerias... avec une force de transmission qu'on ne lui avait pas connue jusqu'à présent, en particulier dans les soleares, peut-être justement grâce à la présence du tocaor sévillan Rafael Rodriguez, grand spécialiste de l'accompagnement du cante, discipline pour laquelle il est d'ailleurs très demandé. A nîmes il avait accompagné l'an dernier El Cabrero, et en 2008 David Palomar. Jesus Mendez qui excelle du début à la fin du spectacle aussi bien dans le cante solo que pour le baile semble avoir franchi ce soir un nouveau palier.
Quant à Belén Maya, elle irradie la scène de sa seule présence. Que ce soit dans un duo silencieux avec sa bata de cola qui lui sert de partenaire de danse, des alegrias survoltées ou des tangos plus suggestifs, le baile de Belén Maya est toujours élégant, et dans la gestuelle, et dans ses tenues de scène, sans une once de vulgarité. Dans "Tres", Belén Maya change les codes : elle remate sur des contretemps dans les alegrias, inverse l'ordre habituel d'interprétation des bailes en dansant por tangos puis por taranto - suivi d'un cante por cartagenera - et ne s'économise pas sur la siguiriya-serrana et la solea-caña, incluant dans sa gestuelle nombre de figures empruntées à d'autres danses, notamment au contemporain. A noter l'attachement de Belén Maya à la bata de cola, la robe à traîne ayant déjà une place importante dans la précédente création qu'elle partageait avec Olga Pericet "Bailes alegres para personas tristes".
Enfin, Rafael Rodriguez, présent tout au long de l'oeuvre, distille avec talent les notes orientales qui s'échappent de sa guitare, portant aussi bien le chant que la danse.
"Tres", trois ingrédients d'un succès.