"La Pasión según se mire", présenté pour la première fois en mars 2010 au Festival de Jerez, avait été extrêmement bien accueilli par le public et la critique. Hier soir à Nîmes le spectacle a également fait très bonne impression.
Andrés Marín est un habitué du festival nîmois. Il avait présenté "El alba del último día" en 2007, et était présent l'an dernier pour les 20 ans avec le fabuleux "El cielo de tu boca". Il revient cette année avec sa dernière création "La Pasión según se mire".
Il est très rare qu'un artiste soit programmé deux fois de suite dans ce festival, mais ici Andrés est chez lui. Le sévillan ne cache pas non plus son affection pour l'événement. Lors de la présentation du festival à Séville il confiait "Je pense qu'au festival de Nîmes il y a une aficion très éduquée, très élégante pourrait-on dire. L'organisation, de mon point de vue, est magnifique. Le directeur artistique Patrick est une merveille, et toutes les personnes qui nous entourent, jusqu'à celle qui vient nous chercher à l'aéroport sont toujours à l'écoute et toujours très aimables. Pour moi cela le grandit, car déjà au niveau artistique cela te fait te sentir bien, et au niveau humain ça te fait te sentir vraiment très bien".
Pour partager la tête d'affiche avec lui, Andrés Marín s'est entouré de trois figures d'exception, toutes gitanes. La bailaora de Lebrija Concha Vargas, la chanteuse trianera Lole Montoya, et le cantaor sévillan José de la Tomasa exposent chacun leur vision de la passion. Pour Concha Vargas, il s'agit de la passion du baile, pour Lole celle de la musique arabe, et pour José de la Tomasa celle du cante orthodoxe. Quant à Andrés, c'est sans doute tout cela réuni.
Complète, variée, équilibrée, avec une scénographie étudiée, la proposition est sans faille. La mythique Lole Montoya du duo "Lole y Manuel" qu'elle formait avec Manuel Molina est saisissante d'émotion et de transmission dans sa djellaba immaculée, presque en lévitation. Elle transporte le public de l'Egypte d'Oum Kalsoum à Triana, avec son timbre profond et ses expressions déchirantes. C'est à Triana aussi que l'on retrouve Concha Vargas. Son tango accompagné par le seul tuba est un grand moment, et son duo improbable por romance avec Andrés Marín plaît beaucoup au public, même s'il semble avoir perdu un peu de sa magie depuis la première à Jerez. José de la Tomasa chante por Tonas, une de ses spécialités, avec un clin d'oeil dans la letra qui dit "Dicen que el cante es patrimonio de la humanidad", mais interprète une solea plutôt courte et pas aussi inspirée qu'à d'autres occasions, ce qui est plutôt frustrant quand on sait ce qu'il peut donner. Andrés quant à lui s'illustre dans des tableaux insolites, tour à tour avec des lampes torches ou marteaux greffés aux mains, ou encore un capirote vissé sur la tête. Il écrit son baile avec un language chorégraphique si riche qu'il donne parfois le tournis.
En résumé une création comme toujours très originale du bailaor sévillan qui a eu la générosité de partager la scène avec d'autres artistes. Le spectacle montre que le flamenco peut intégrer n'importe quel instrument de musique et qu'il reste un art libre que chacun peut exprimer à sa façon, mais toujours avec passion.
Comme l'an dernier le spectacle a été filmé par l'équipe d'Arte Live Web, retrouvez-le ci-dessous.