On peut affirmer sans nullement déconsidérer les autres cantaores que la présence d'Inés Bacan a donné une tournure exceptionnelle à la soirée du vendredi 22 janvier 2010 à L'Odéon, du moins pour tous ceux qui la découvraient sur scène. Encore une fois, la salle est pleine, preuve que le cante flamenco est apprécié à Nîmes. Et il occupe une bonne place dans le Festival.

En première partie de cette soirée de cante traditionnel, le guitariste Antonio Moya invitait à découvrir trois cantaores de bonne qualité et capacité. Avec Paco Iglesias, il accompagnait à la guitare les jeunes Rubio de Pruna (dans la localité de Séville) et Manuel de Tañé (Jerez) ainsi que Tomas de Perrate (Utrera), cantaor à la carrière professionnelle plus rôdée, et peu connu en France pour la liberté qu'il a prise vis-à-vis du flamenco. Les trois ont montré des voix et des styles différents, et des particularismes de leur terre, plus spécialement Tomas de Perrate originaire d'Utrera et héritier de son compas, qu'il domine de façon très personnelle. Rubio de Pruna s'illustre por taranto et solea avec une voix remarquable, mûre et puissante pour son âge. On sent beaucoup d'envie. Il accompagne principalement la compagnie de Farruquito. Manuel de Tañé se distingue par sa fougue. Il interprète un martinete/siguiriya rematé por cabal, et un très beau tientos por tangos.

La seconde partie revêt un caractère presque sacré avec la présence d'Inés Bacan, totalement immergée dans le cante. L'esprit de Pedro Bacan qui l'a accompagnée artistiquement à ses débuts plâne, et la guitare d'Antonio Moya enveloppe tendrement le chant de la cantaora. Avec elle, c'est la tradition du cante lebrijano qui se perpétue avec arte, au moyen d'une voix et une façon de chanter uniques. Dans une attitude très concentrée, les yeux fermés, sa voix remplit l'espace et semble figer le temps. Elle interprète divers palos – fandango, nana, solea, cantiñas de Pinini, romance por buleria, siguiriya - avec son timbre unique et un compas empreint du style de Lebrija et Utrera, plus spécialement dans le choix du romance. Sous la timidité apparente, ses récitals sont d'une grande intensité. Elle « semble directement reliée au centre de la Terre » lit-on sur le programme. Ce n'est pas exagéré.

Nathalie Garcia Ramos