Nîmes réserve souvent de belles surprises aux aficionados. Tel fut le cas hier avec le concert solo du guitariste Rafael Rodriguez "El Cabeza" en première partie du récital d'El Cabrero, qui n'était pas annoncé dans le programme. Cet artiste qui est parmi les meilleurs accompagnants du baile et surtout du cante - on a pu en juger il y a deux ans lors du récital de David Palomar à l'Odéon - se produisait pourtant pour la première fois en solo. Parmi les quatre morceaux exécutés, une malagueña dédiée à son père, une guajira, une siguiriya, et enfin une zambra spécialement composée pour le concert. Le jeu de Rafael Rodriguez trouve ses influences dans celui de Niño Ricardo. Il confiera lui-même après le concert qu'il n'est pas un grand technicien mais il y met tout son âme. Durant son concert Rafael Rodriguez a beaucoup utilisé le pizzicato, technique consistant à bloquer les cordes avec la paume de la main droite pour en sortir un son étouffé. La sonorité de chacune des pièces était très orientale.

Après l'entracte durant lequel le logo de France Musique qui retransmet le concert est projeté en fond de scène, c'est au tour de José Domínguez Muñoz "El Cabrero" (le chevrier), d'occuper le devant de la scène avec Rafael Rodriguez. El Cabrero impressionne par sa haute stature et son look d'Indiana Jones flamenco, qui ne quitte jamais son chapeau ni son bandana rouge : un archéologue de la vérité. Car la qualité première d'El Cabrero est la sincérité. Le cantautor ne mâche pas ses mots, il affirme haut et fort de sa voix de stentor ses opinions politiques à travers les letras engagées qu'il écrit lui-même, par exemple dans une tona où il rend hommage aux victimes du franquisme comme Lorca ou Hernandez. Le poète est également très attaché au thème de la nature : quoi de plus logique pour lui qui élève son troupeau de chèvres dans son village proche de Séville. El Cabrero est très expressif, ses bras accompagnent son chant, souvent pour finir levés au ciel, si bien qu'il en finit par faire tomber son micro sur la fin des fandangos de Alosno. Le cantaor aura régalé l'assistance de cante en grande majorité jondo.

En résumé un artiste rare dont la présence était d'autant plus exceptionnelle que c'était la première fois qu'il se produisait au festival, grâce au concours de l'association "Cartelera" de Geneviève Clamens, une amie de longue date du chanteur.

Durant tout son récital El Cabrero s'est adressé au public par un "Querido publico". Celui-ci qui ne voulait plus le laisser partir et a fait de multiples rappels pourrait lui répondre "Adios querido Cabrero, gracias maestro y buena vuelta a Aznalcollar".

A noter : le concert d'El Cabrero a été diffusé en léger différé hier dans l'émission "Couleurs du Monde" de Françoise Degeorges sur France Musique, à écouter ici

Murielle Timsit