Interview 


©Murielle Timsit

Indéfinissable Patricia Guerrero

 

C'est entre la fin des balances et sa première représentation à la Salle Ravel de Levallois que je retrouve Patricia Guerrero, presque deux ans après l'avoir vue danser au Festival de Jerez où elle avait été éblouissante. Chaleureuse et détendue, la jeune danseuse a mûri mais la candeur de ses 19 ans ressort lorsqu'elle me raconte avec émerveillement sa visite de Paris. En plus d'une personnalité attachante, les fées qui se sont penchées sur le berceau de Patricia Guerrero lui ont aussi donné du talent.


Patricia, comment as-tu découvert le flamenco ?

C'est quand j'étais toute petite. Ma mère avait une académie de baile et elle m'emmenait toujours avec elle. Je suis restée avec elle durant plusieurs années, et je me souviens toujours de cette image, même si le flamenco avec guitare et cante je l'ai découvert plus tard, lorsque j'ai suivi l'enseignement de La Presi. Elle avait toujours avec elle deux guitaristes dans ses cours et je garde aussi en mémoire cette image.

Donc tu viens d'une famille flamenca ?

Pas exactement. C'est vrai que ma mère est professeur de baile, elle danse, mais nous n'avons pas de prédécesseurs. Cependant, même si la famille n'est pas née flamenca, elle a toujours aimé le flamenco.

Peux-tu me parler de Grenade ?

Que vais-je dire de Grenade... Eh bien, c'est ma ville, c'est là où je vis, pour moi c'est une immense source d'inspiration, toujours. Je m'en rends compte surtout maintenant que je vis à Séville. Grenade me manque beaucoup, énormément. Ses rues, ses habitants, tout.

Justement ma question suivante était sur Séville, pourquoi es-tu partie vivre là-bas ?

En réalité Séville est très bien. En ce moment c'est très bien par rapport aux cours, aux artistes. Il y a des gens très bons qui donnent des cours là-bas... Je l'ai fait surtout pour que d'autres personnes me voient, un autre type de public. J'ai déjà beaucoup dansé à Grenade, et la réalité c'est qu'il n'y avait plus rien à faire là-bas.

Quelle serait ta définition du flamenco ?

Littéralement c'est une culture musicale qui vient de la race gitane. Mais comme définition personnelle pour moi le flamenco est comme une expression. C'est une expression de l'art, du duende de chaque personne, de l'art en général, de l'état d'esprit des personnes qui dansent et chantent. C'est une expression, ce serait çà ma définition.

As-tu un style préféré dans le flamenco ?

J'aime tout. Mais en ce qui concerne le baile, j'aime danser por taranto, c'est un palo qui me plaît beaucoup. L'alegria me plaît beaucoup... et j'aime aussi beaucoup la guajira, en ce moment je la danse beaucoup.

Penses-tu appartenir à une école de baile, sinon comment définirais-tu ton style ?

En réalité je ne sais pas si mon style est déjà définissable. Je crois et j'espère que non. J'espère continuer à me former beaucoup plus, que ce soit beaucoup plus précis.

Mais je n'appartiens pas vraiment à une école de baile. Je ne sais pas quel style pourrait me définir, car depuis que je suis enfant j'ai toujours aimé prendre beaucoup de tout. La force d'un côté, la technique de l'autre...

As-tu un miroir dans lequel te regarder ?

C'est qu'il a beaucoup de miroirs. Il y a tant de personnes qui peuvent t'enseigner, qui t'enseignent tant de choses. J'ai beaucoup de miroirs où me regarder. Et c'est une bonne chose, car c'est pour cela que cet art est si riche.

A part Grenade, as-tu d'autres sources d'inspiration ?

Oui, j'ai beaucoup de sources d'inspiration. Par exemple aujourd'hui j'ai trouvé une source d'inspiration, elle s'appelle Paris. Je n'étais jamais venue dans le centre et ça m'a paru extraordinaire. C'est très joli. Aujourd'hui j'ai visité la Tour Eiffel et Notre-Dame. Pour moi ça a été incroyable.

Que cherches-tu à exprimer à travers ton baile ?

En fait je ne sais pas. Je danse car j'ai envie de le faire, je ressens l'art et le flamenco, et j'aime l'exprimer à ma façon. J'exprime ce que les gens aiment voir aussi.

Malgré ton jeune âge ton baile a beaucoup évolué, dans quel sens a-t-il mûri ?

Il a mûri dans le sens où je suis plus sûre de moi. Quant tu es petite tu n'as pas cette assurance. Et il a surtout évolué dans ma façon de voir le flamenco, de le comprendre, ma façon de comprendre le cante pour pouvoir m'adapter à lui, et à la musique aussi : ça m'a apporté la compréhension de la musique pour la faire moi.

Tu portes une attention particulière au choix de tes robes et ensembles, à l'harmonie des couleurs... j'ai aussi lu que ta grand-mère avait réalisé un costume de scène pour toi

Ma grand-mère a réalisé toutes les robes que j'ai ! Depuis toujours, depuis que je suis enfant, elle a fait tous mes vêtements. En ce moment j'ai certaines batas de cola qui ne sont pas d'elle mais presque toutes les tenues que j'ai sont de ma grand-mère. J'ai cette chance.

Peux-tu me parler de Violeta Ruiz ?

Ah, mon amie Violeta ! Je connais Violeta depuis déjà plusieurs années, j'ai toujours été avec elle, c'est une fille super. Nous avons travaillé ensemble, j'ai eu le plaisir de travailler avec elle. Elle danse très bien et nous avons toujours été proches.

Qui furent tes maestros ?

Il y en a eu beaucoup. Mais je tiens à citer La Presi qui est une maestra de là-bas à Grenade, Luis de Luis qui lui aussi m'a beaucoup enseigné depuis toute petite, Mario Maya, Mercedes Ruiz, Belen Maya, Stella Arauzo... beaucoup de monde. J'ai eu la chance de travailler avec Manolillo Liñan, de faire beaucoup de stages avec beaucoup de monde. Et Eva la Yerbabuena bien sûr.

Tu faisais partie du spectacle hommage à Mario Maya au XIII° Festival de Jerez, que peux-tu dire à propos de Mario ?

Premièrement j'ai travaillé avec lui dans sa compagnie, et déjà rien que le fait qu'il veuille que je participe à son spectacle fut un grand honneur. Ensuite j'ai beaucoup appris avec lui. Quand il a disparu, Belen voulait que je participe à son hommage, et pour moi ce fut incroyable et très intéressant. Pour moi Mario a été un maestro que je garderai toujours à l'esprit, toujours. Tout ce que j'ai appris avec lui, surtout sa vision de l'organisation d'un spectacle, comment les gens le voient visuellement, sa façon de bouger les gens sur scène. Il avait à mon avis une vision très particulière et très bonne.

Il était prévu qu'il y ait une tournée internationale avec ce spectacle, qu'en est-il ?

Je ne sais pas, j'espère que ça va se faire mais pour l'instant je ne sais pas si c'est toujours d'actualité.

"Grenade est une immense
source d'inspiration" 


©Murielle Timsit

Gagner le prix Desplante au Festival de La Union, qu'est-ce que ça a changé dans ta carrière ?

En réalité ça n'a pas changé grand-chose dans ma carrière. Ca n'a rien à voir. Je dis toujours que gagner un concours sert à ce que les gens te connaissent, et à partir de là ils t'estiment, dans le sens où "Cette fille a gagné un prix, voyons comment elle danse". Alors c'est à partir du prix que tu dois démontrer ta valeur. Il faut profiter de cette chance. Je pense que que ça n'a eu aucune influence sur ma carrière, ni celle de personne. Ca permet de te faire connaître, mais ça n'a aucune influence sur ton baile, tu ne vas pas mieux danser parce que tu as gagné un prix.

Peux-tu me parler du spectacle que tu vas présenter ce soir, "Desde el Albayzin" ?

C'est un spectacle riche de différents bailes, de différents chants. Il y a une alegria avec bata de cola, je danse un taranto, qui est quelque chose de plus sérieux, qui m'inspire beaucoup, et je termine por tangos de Grana qui est un style que j'ai toujours beaucoup aimé danser. Ensuite je danse aussi une buleria en pantalon, c'est un numéro plus technique, et pour finir une solea. Ce sont quatre baile totalement différents, qui ont des caractéristiques complètement différentes.

De quoi parle le spectacle ?

En fait il n'y a pas d'histoire. Quand je dis "Desde el Albayzin", je veux simplement dire "Ça c'est moi, avec mes différents moments, mes différents styles..."

Vas-tu continuer à tourner avec ce spectacle ?

Oui, récemment j'étais en Belgique, je suis aussi allée en France à Béziers. Il y a un mois j'étais à Lille et prochainement nous allons partir aux Pays-Bas. J'ai pas mal de dates avec ce spectacle

As-tu d'autres projets ?

J'ai plusieurs choses en ce moment. Par exemple pour la Biennale je vais présenter un spectacle avec la compagnie de Ruben Olmo dont je fais partie. J'ai aussi participé au nouveau film de Carlos Saura "Flamenco, Flamenco", j'ai eu l'honneur d'y figurer.

Remerciements à Ingrid Fouledeau


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flamenco-culture.com - Murielle Timsit - 20 novembre 2009