Portrait 

María Ángeles Narváez "La niña de los cupones" 

María Ángeles Narváez "La niña de los cupones" est une artiste qui transmet beaucoup sur scène. A la ville c'est une femme de poigne qui sait ce qu'elle veut et ne mâche pas ses mots. Portrait d'une jeune femme hors du commun.


María Ángeles Narváez est née en Suisse de parents andalous. Ses parents sont revenus vivre à Séville lorsqu'elle avait six ans. Elle a perdu l'ouïe droite deux mois plus tard à cause d'un antibiotique et n'entend plus que les sons graves de son oreille gauche dont la capacité auditive est de seulement 30 décibels. C'est la raison pour laquelle son premier spectacle étrenné à la Biennale de Séville en 2008 est intitulé "30 decibelios". Quand on lui parle de sa danse Maria répond sans équivoque et avec conscience de son don "L'art ne s'enseigne pas, l'art on l'a en soi". Elle commence à danser à l'âge de six ans et est diplômée en danse espagnole. Elle reçoit l'enseignement d'innombrables maestros dont Matilde de Coral mais construit peu à peu son propre style. "Je ne veux ressembler à personne, je veux être différente. Je veux créer un autre type d'expression, plus populaire, plus créatif, et m'exprimer comme je le ressens".

LANGUE DES SIGNES

La Niña de Los Cupones ne connaît pas toute la langue des signes mais puise dans cette gestuelle pour l'interprétation de sa danse et son chant. Oui, Maria chante, mais pas de la façon dont on l'entend habituellement. Elle chante en langue des signes, en interprétant les letras, sur la voix enregistrée de Camaron de La Isla. "J'investigue à travers la langue des signes, des expressions et des mouvements, en fonction de ce que je veux interpréter. Je crée un moyen de communication". C'est à l'âge de quinze ans qu'elle introduit pour la première fois la langue des signes dans son baile après l'avoir découverte lors d'un cours d'informatique pour personnes sourdes. Ayant été scolarisée dans une école pour entendants, elle n'avait jamais été en contact avec cette langue auparavant.

Maria Angeles Narvaez danse en sentant les vibrations de la musique qui dit-elle pénètre aussi par les pores de la peau. "Il y a d'autres façons d'entendre. Mais souvent celà dépend de l'endroit où tu te produis. J'essaye que le son soit toujours très bon, très propre. J'utilise aussi un peu la vue, et le toucher aussi : j'ai besoin de jouer la musique, mais pas de la même façon, c'est de la mémoire auditive. J'apprends bien la chanson pour pouvoir la chanter. Je chante avec les mains et j'y mets de l'art flamenco. Je suis plus flamenca que contemporaine, mais j'ai aussi un côté innovant."

FLAMENCO

"Le flamenco n'a pas de race" affirme La Niña de los Cupones. "Le flamenco c'est exprimer les sentiments que tu ressens, tes joies, tes peines, ta vie. Dans mes spectacles j'aime beaucoup parler des choses de la vie. Pour faire du flamenco il faut avoir beaucoup de caractère".

La buleria est le style qu'elle aime le plus danser, tout comme la solea, car c'est à travers ces palos elle parvient le mieux à exprimer la joie et la tristesse. "Quand je danse une solea, je pense toujours à ma mère qui est décédée il y a deux mois, et à mon grand-père. Je pense aux êtres chers qui sont partis. Et ca me donne plus de force, de sentiments. La solea c'est spécial".

HANDICAP

"J'ai travaillé il y a plusieurs années dans le film Flamenco de Carlos Saura. C'était un petit rôle car j'étudiais la danse et j'étais beaucoup plus jeune. Carlos Saura a fait un autre film mais il n'a pas fait appel à moi. Pourtant mon spectacle "30 decibelios" a été très bien reçu à la Biennale de Séville pour son côté innovant... J'ai été la pionnière dans ce domaine. Mais il y a beaucoup de discrimination. Le mot "handicap" est très mal vu, c'est un mot très laid. Je ne suis pas d'accord. Car handicapés nous le sommes tous. Nous sommes tous aveugles, sourds ou boiteux. Chacun a son handicap, mais être sourd n'est pas un handicap car j'ai le cran de monter sur scène, et je transmets plus que d'autres artistes. Il y a beaucoup d'artistes qui ne transmettent pas mais on ne dit pas qu'ils sont handicapés. C'est une histoire de diversité fonctionnelle, pas de handicap. Le handicap est une parole très mal interprétée, ce n'est pas beau. Qualifier quelqu'un de handicapé c'est enlever de la valeur à ce qu'il est et à ce qu'il fait. Tu ne vois plus l'artiste mais le handicap. Beethoven était sourd, et pourtant aujourd'hui les élèves du Conservatoire apprennent ses partitions".


flamenco-culture.com - Murielle Timsit - Décembre 2009