L'interview de la semaine 


© JM. Grimaldi

La Lupi : enseignante par vocation 

 

La Lupi est un personnage du flamenco qui mérite le détour. Un style inimitable et une flamencura à fleur de peau font de cette excellente danseuse qui a fait de l'enseignement son métier une perle dans le panorama du flamenco actuel. A Mont-de-Marsan elle a ravi débutants et initiés en leur inculquant avant tout le compas. Quitte à passer une demi-heure à répéter sans relâche les palmas jusqu'à ce que tous les élèves l'aient bien compris et aient le compas dentro. Dans ses cours La Lupi parle du flamenco, et de ce qui fait son essence, et surtout elle explique. Elle explique par exemple la structure de la solea por buleria, pourquoi elle se termine por buleria, pourquoi c'est si important d'écouter et de respecter la musique et le chant lorsque l'on danse. Un enseignement d'une authenticité remarquable, sans brusquer les élèves, toujours dans la bonne humeur, celui que l'on cherchait depuis longtemps...A l'heure où de plus en plus de stages sont organisés ici et là, nous c'est La Lupi que l'on aimerait voir venir près de chez nous.


Lupi c'est ton nom d'artiste, mais comment t'appelles-tu dans la vraie vie ?

Susana LUPIAÑEZ PINTO. En fait depuis toute petite, comme mon nom était compliqué, on m'appelait "Lupi, Lupi, Lupi" à l'école, et j'ai gardé ce nom.

Tu es de Malaga, peux-tu me parler de ta rencontre avec le flamenco ?

Je suis de Malaga où il y a du cante, du toque, du baile...Il y a eu de grands bailaors. Il y avait EL DUENDE, qui était un grand danseur de l'époque, Paquito VARGAS.... Mais il se trouve qu'il n'y avait pas de grande école où apprendre le flamenco. Alors je me suis intégrée au monde du flamenco via les tablaos depuis que je suis toute petite, puis en intégrant l'Institut Supérieur de Danse où je suis restée jusqu'à l'âge de 18 ans. A côté de l'école bien sûr, j'allais aussi dans les tablaos, à toutes les fêtes où je pouvais rencontrer les flamencos pour apprendre étant donné qu'il n'y avait aucune école.

As-tu de la famille dans le monde du flamenco ?

Non. Mon grand-père du côté de ma mère chantait très bien. Il chantait et il adorait le cante flamenco. Mon père était un grand aficionado au flamenco, et je me levais le matin en écoutant Porrina DE BADAJOZ, Pepe PINTO, Pepe MARCHENA, Manolo CARACOL...Il y avait de l'aficion chez moi. Ma sœur est aussi une grande admiratrice de CAMARON.

As-tu des origines gitanes ?

Non, mais j'adorerais car j'aime être racée. Tout le monde me dit que j'ai quelque chose, et ça me plaît que tu me le dises.

Qui sont tes maîtres de référence ?

Je dois beaucoup à Manuela MARTINEZ car c'est une grande danseuse de ballet espagnol qui m'a enseigné la technique corporelle. Mais je n'ai pas eu de maestro dans ma vie. 80% de ce que je sais, je l'ai appris en travaillant seule. Ensuite j'ai suivi beaucoup de stages, j'ai étudié une année entière avec Carmela GRECO, avec Cristobal REYES, avec Paco ROMERO...mais je n'ai jamais eu de modèle dans ma vie. Ce n'est pas beau à dire, mais je suis un peu autodidacte.

Mon style est très naturel. J'admire beaucoup Eva LA YERBABUENA, Manuela CARRASCO car ce sont aujourd'hui des exemples à suivre...Il y a de grands danseurs comme Rafael DEL CARMEN, FARRUQUITO...mais moi j'essaye d'être moi-même. Si j'aime un pas je le transforme à ma façon, si un mouvement me plait je me l'approprie.


"C'est fondamental d'être aficionado avant d'être artiste" 



© JM. Grimaldi


Aujourd'hui tu donnes un stage à des élèves de niveau basique dans le cadre du XXème Festival Arte Flamenco de Mont-de-Marsan, il semble que tu aimes beaucoup enseigner et expliquer l'essence du flamenco, ne pas tromper les gens...Quelles sont les bases de ton enseignement ?

La base fondamentale de mon enseignement est d'enseigner de la façon dont j'aurais voulu que l'on m'enseigne à moi. J'enseigne avec le cœur...mais j'enseigne aussi avec la tête car j'aime être pédagogue avec les gens...Mais je pense que le truc c'est de donner ce que tu aurais aimé recevoir, tout simplement.

Dans mon école se sont formés des gens comme Rocio MOLINA, David MARTIN qui fait aujourd'hui partie de la Compagnie de Sara BARAS...il y a des danseurs qui ont travaillé avec Antonio EL PIPA... 70 % des danseurs professionnels de Malaga appartiennent à mon école, sont sortis de mon école, ou sont passés par mon école. Alors je pense que cela me donne une reconnaissance dans le domaine de l'enseignement. Mais c'est simplement ça : donner ce que je n'ai pas pu recevoir.

C'est fondamental d'être aficionado avant d'être artiste ! Avant d'être tocaor, cantaor ou bailaor, il faut être aficionado au cante, il faut être aficionado au toque, à la musique...écouter énormément. Car la base du flamenco c'est le rythme, c'est le compas...c'est de là que ça vient. Et à partir de là, tu sais remater une letra, tu sais écouter une falseta et la magnifier avec ton zapateado et tes mouvements... Le truc c'est simplement écouter, écouter.

Et c'est comme ça que toi tu as appris, en écoutant ?

Oui, toute seule ! Je me suis beaucoup trompée et je continue encore à apprendre...C'est pour ça que si j'avais eu une maestra comme moi à l'époque...maintenant je me sens un peu meilleure à 36 ans, mais j'aurais voulu danser ainsi à 20 ans. Mais j'ai dû chercher tout toute seule, et lentement...

Ce n'est pas la première fois que tu viens ici, depuis combien de temps viens-tu à Mont-de-Marsan ?

Je suis venue il y a deux ans pour danser et c'est la première fois que je viens donner des stages. Je suis très surprise car les gens me connaissent par internet, ont entendu parler de moi...et tu sais bien car tu l'as vu, on a même dû refuser du monde, alors je suis très contente.

Que penses-tu des élèves, de leur niveau, leurs connaissances ?

Les connaissances sont basiques car le niveau l'est aussi. Alors c'est normal. Je ne peux demander beaucoup plus. Mais je vois une grande passion chez les gens, un grand intérêt, et j'adore ça. Alors je donne de l'énergie. Car je pense que pour nous qui avons le pouvoir de diriger les autres par notre enseignement, c'est une très grande responsabilité tant techniquement que personnellement, car tu peux motiver une personne ou bien l'enfoncer. Car les gens qui viennent à ton cours t'admirent et te font entièrement confiance. Alors j'essaye de motiver beaucoup les gens, de leur donner de très bon conseils, et, à la place d'enseigner beaucoup de pas, j'enseigne moins, mais de façon à ce que les gens comprennent bien ce qu'ils sont en train de danser.

Je passe un appel à tous les professeurs de France pour qu'ils apportent beaucoup de musique aux élèves, beaucoup de compas. Car c'est fondamental, ça oui. Je pense que ce qui manque aux élèves c'est le compas. Je comprends que dans un niveau basique on n'ait pas une technique de pieds solide, des tours très techniques...Le niveau technique n'est pas très élevé, mais c'est normal.

Cette année comme c'est la première fois que je donne un stage ici, José-Carlos de Taller Flamenco dit qu'il a entièrement confiance en moi car j'ai beaucoup de patience avec les niveaux basiques. J'aime la pédagogie et je l'applique.


"Je donne ce que je n'ai pas pu recevoir" 



© JM. Grimaldi


Où peut-on suivre des cours avec toi en Espagne ?

Je réside à Malaga. Car aujourd'hui avec l'ère d'internet et les nouvelles infrastructures je n'ai pas besoin de vivre à Madrid ou à Séville. Ce n'est pas comme avant. Par exemple pour aller à Madrid en AVE je mets deux heures. J'ai donc mon siège à Malaga, où je donne des cours et des stages trimestriels. Par exemple Je reste de Juin à Août à Malaga. Et ça me permet de continuer à faire mon travail car je voyage beaucoup. Les gens viennent de partout. Là il y a un garçon du Venezuela qui m'a appelée pour venir faire un stage, il y a des élèves qui viennent du Japon, et maintenant d'ici vous allez être nombreux à venir aussi ! raconte Lupi en souriant, approuvée par Curro qui ne perd pas une miette de l'interview.

L'adresse de la web c'est www.lalupiflamenco.com et le mail c'est currodemaria@hotmail.com tu peux la mettre dans l'interview pour les gens qui voudraient nous contacter.

Comment vois-tu ce XXème Festival ?

Merveilleux ! J'aimerais qu'il y en ait un comme ça en Espagne aussi. C'est merveilleux, tout d'abord car les élèves sont en contact avec tous les artistes, et ça c'est fondamental. Et ensuite la quantité d'artistes, de spectacles, de stages est exceptionnelle. Je pense que c'est un festival merveilleux.

As-tu des projets artistiques pour cette année ?

Maintenant je pars avec ma compagnie. J'ai une compagnie de 12 personnes (musiciens, danseurs et techniciens) et avec la compagnie nous allons en Italie du 26 au 30 Juillet. Ensuite je vais seule à un festival flamenco. En Septembre je vais donner un stage à Dusseldorf, et aussi à la Biennale de Seville. J'essaye de lutter avec la compagnie, tu sais que c'est compliqué, mais j'ai de plus en plus de projets.


Questions, montage audio : Murielle TIMSIT
Traduction : Murielle TIMSIT

Remerciements à LA LUPI et Curro DE MARIA

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Sevillanes.net - 09 Juillet 2008