Lupi c'est ton nom d'artiste, mais comment t'appelles-tu dans la vraie vie ?
Susana LUPIAÑEZ PINTO. En fait depuis toute petite, comme mon nom était compliqué, on m'appelait "Lupi, Lupi, Lupi" à l'école, et j'ai gardé ce nom.
Tu es de Malaga, peux-tu me parler de ta rencontre avec le flamenco ?
Je suis de Malaga où il y a du cante, du toque, du baile...Il y a eu de grands bailaors. Il y avait EL DUENDE, qui était un grand danseur de l'époque, Paquito VARGAS.... Mais il se trouve qu'il n'y avait pas de grande école où apprendre le flamenco. Alors je me suis intégrée au monde du flamenco via les tablaos depuis que je suis toute petite, puis en intégrant l'Institut Supérieur de Danse où je suis restée jusqu'à l'âge de 18 ans. A côté de l'école bien sûr, j'allais aussi dans les tablaos, à toutes les fêtes où je pouvais rencontrer les flamencos pour apprendre étant donné qu'il n'y avait aucune école.
As-tu de la famille dans le monde du flamenco ?
Non. Mon grand-père du côté de ma mère chantait très bien. Il chantait et il adorait le cante flamenco. Mon père était un grand aficionado au flamenco, et je me levais le matin en écoutant Porrina DE BADAJOZ, Pepe PINTO, Pepe MARCHENA, Manolo CARACOL...Il y avait de l'aficion chez moi. Ma sœur est aussi une grande admiratrice de CAMARON.
As-tu des origines gitanes ?
Non, mais j'adorerais car j'aime être racée. Tout le monde me dit que j'ai quelque chose, et ça me plaît que tu me le dises.
Qui sont tes maîtres de référence ?
Je dois beaucoup à Manuela MARTINEZ car c'est une grande danseuse de ballet espagnol qui m'a enseigné la technique corporelle. Mais je n'ai pas eu de maestro dans ma vie. 80% de ce que je sais, je l'ai appris en travaillant seule. Ensuite j'ai suivi beaucoup de stages, j'ai étudié une année entière avec Carmela GRECO, avec Cristobal REYES, avec Paco ROMERO...mais je n'ai jamais eu de modèle dans ma vie. Ce n'est pas beau à dire, mais je suis un peu autodidacte.
Mon style est très naturel. J'admire beaucoup Eva LA YERBABUENA, Manuela CARRASCO car ce sont aujourd'hui des exemples à suivre...Il y a de grands danseurs comme Rafael DEL CARMEN, FARRUQUITO...mais moi j'essaye d'être moi-même. Si j'aime un pas je le transforme à ma façon, si un mouvement me plait je me l'approprie.
"C'est fondamental d'être aficionado avant d'être artiste"
© JM. Grimaldi
Aujourd'hui tu donnes un stage à des élèves de niveau basique dans le cadre du XXème Festival Arte Flamenco de Mont-de-Marsan, il semble que tu aimes beaucoup enseigner et expliquer l'essence du flamenco, ne pas tromper les gens...Quelles sont les bases de ton enseignement ?
La base fondamentale de mon enseignement est d'enseigner de la façon dont j'aurais voulu que l'on m'enseigne à moi. J'enseigne avec le cœur...mais j'enseigne aussi avec la tête car j'aime être pédagogue avec les gens...Mais je pense que le truc c'est de donner ce que tu aurais aimé recevoir, tout simplement.
Dans mon école se sont formés des gens comme Rocio MOLINA, David MARTIN qui fait aujourd'hui partie de la Compagnie de Sara BARAS...il y a des danseurs qui ont travaillé avec Antonio EL PIPA... 70 % des danseurs professionnels de Malaga appartiennent à mon école, sont sortis de mon école, ou sont passés par mon école. Alors je pense que cela me donne une reconnaissance dans le domaine de l'enseignement. Mais c'est simplement ça : donner ce que je n'ai pas pu recevoir.
C'est fondamental d'être aficionado avant d'être artiste ! Avant d'être tocaor, cantaor ou bailaor, il faut être aficionado au cante, il faut être aficionado au toque, à la musique...écouter énormément. Car la base du flamenco c'est le rythme, c'est le compas...c'est de là que ça vient. Et à partir de là, tu sais remater une letra, tu sais écouter une falseta et la magnifier avec ton zapateado et tes mouvements... Le truc c'est simplement écouter, écouter.
Et c'est comme ça que toi tu as appris, en écoutant ?
Oui, toute seule ! Je me suis beaucoup trompée et je continue encore à apprendre...C'est pour ça que si j'avais eu une maestra comme moi à l'époque...maintenant je me sens un peu meilleure à 36 ans, mais j'aurais voulu danser ainsi à 20 ans. Mais j'ai dû chercher tout toute seule, et lentement...