Israel Galván - El final de este estado de cosas, Redux 


©Ana Palma


©Luis Castilla


©Alvaro Cabrera

Equipe Artistique

Baile: Israel Galván
Cante: Inés Bácan, Juan José Amador
Toque: Alfredo Lagos
Percussions: José Carrasco
Danse, palmas, compás: Bobote
Violon: Eloísa Cantón
Basse: Marco Serrato "Orthodox"
Guitare: Ricardo Jimenez "Orthodox"
Percussions: Borja Díaz "Orthodox", Anatonio Moreno «Proyecto Lorca»
Saxos: Juan Jiménez Alba «Proyecto Lorca»

Israel Galván
"El final de este estado de cosas, Redux"
"Danse donc ce que tu as vu, ce qui est,
et ce qui doit arriver ensuite"

Israel Galván et sa compagnie ont présenté du 31 mai 2010 au 5 Juin 2010 à Paris au Théâtre de la Ville ce spectacle au titre inspiré des vers prophétiques de l’Apocalypse de Saint Jean et qui nous a plongés dans l’Apocalypse intérieure de ce grand danseur qu’est Israel Galván et dans celle de notre monde. Le « Redux » du titre, selon les explications de Pedro G. Romero, directeur artistique du spectacle, est un hommage à la version la plus personnelle d' « Apocalypse now » du réalisateur américain Francis Ford Coppola.


©Philippe Dedryver

Le mot Apocalypse signifie « mise à nu », « enlèvement du voile » ou « révélation », le texte prophétisant sur ce qui doit arriver à la fin des Temps : « Écris donc ce que tu as vu, ce qui est, et ce qui doit arriver ensuite ». Les titres des différents tableaux laissent imaginer cette Apocalypse aux versets dansés : Jean se présente à Patmos ; annonce ; nouvelles de Beyrouth ; commencement - la catastrophe majeure ; siguiriyas avec tremblements de terre et famines et pestes ; femmes, guitares, cornets, tambours et saetas ; fin - la traversée du désert ; Villancicos sans Nöel et sauve qui peut ; verdiales et poison, guerre entre taranto et tarantella ; Alpha et Oméga / sans fin ; mort et résurrection au Real de la Feria.

C’est aussi à l’Apocalypse de notre monde que ce spectacle nous confronte. Le visage masqué, seul, le torse nu, Israel Galván se présente au public, comme pour recevoir la révélation. Une danse buto, cette danse née en réaction à la suppression de la mémoire du corps, mais aussi en réaction à l’Apocalypse nucléaire. Le corps d’Israel Galván se vide de sa personne pour vivre le caché, la mémoire ancestrale : lenteur extrême des mouvements, vibrations et crispations, passage du néant à la vie, invitation au spectateur à vivre dans sa propre chair le monde intérieur du danseur. Israel Galván frappe, griffe le sable à ses pieds, le projette pour en faire jaillir les esprits. Suit la projection d'une vidéo, lettre dansée de Yalda Younes, élève libanaise d'Israel Galván, pour dire non à la guerre au Liban, sur des sons de balles et de bombes. Israel Galván danse sur un sol amovible et instable : cataclysme céleste et tremblement de terre pour déluge de percussions aux pieds, un zapateado sur une siguiriya qui nous fait douter de nos appuis dans ce monde. Fers aux pieds, bagues aux doigts, Israel Galván marque le compas au sol et sur une table. Il danse jusqu’à l’effondrement les danses des fêtes traditionnelles andalouses. Quel espoir nous laisse-t-il ? Sans doute comme dans l’Apocalypse, quand en femme, entre sensualité et crainte, face au dragon, il danse l’avenir de l’homme. C’est le palmero et danseur Bobote qui s’identifie au danseur pour transmettre sa parole, sa danse, comme dans un recommencement. C’est enfin, cette scène finale où Israel Galván danse sur, à côté et dans un cercueil qu’il percute comme l’enveloppe de son propre corps, mettant ses propres limites à l’épreuve pour une résurrection finale.

Dans le monde intérieur d’Israel Galván, tout est percussions : pieds, poitrine, mains, dents, front, regards, et tout objet devient source de résonnance, sol, table, cercueil, tambour, table. Tout est aussi rythme, ce « compas » flamenco mené aux extrêmes. Ces phrasés compliqués aux pieds ne cessent pas d’interroger sur les limites du zapateado, sur les limites d’une humanité qui piétine. Israel Galván remplit l’espace, sur tous les plans, de sa gestuelle toujours étonnante, une modernité qui puise pourtant son essence dans les expressions du flamenco. Elles sont poussées aux limites du corps, de la forme et de l’espace. Chaque partie de son corps trouve sa raison d’être dans un ensemble : déconnexions, hyper-extensions, oscillations, rassemblements. C’est une alternance aussi de respirations et d’apnées qui aspirent le spectateur dans la danse.

Israel Galván a dansé ce qu’il a vu, ce qui est dansé et peut-être ce qui sera dansé ensuite. Mais que serait ce spectacle sans ses partenaires qui ont offert une musique, des chants, des rythmes aux limites de la rupture, une fusion de musique traditionnelle flamenca, avec le chant profond d’Inés Bácan, de musique contemporaine avec des guitares électriques et du saxophone. Pour le dernier jour de la tournée, la compagnie a offert une longue et généreuse « fín de fiesta » pour la « fin de cet état des choses ».


Flamenco-Culture.com - Philippe Dedryver - 05/06/2010