L'interview de la semaine 

 Le mystère Andrés Marin 

 

Andrés Marin, très élégant en veste noire et chemise blanche m'accueille dans une loge de la Maison des Arts de Créteil, après la dernière représentation de son spectacle "El Alba Del Ultimo Dia", le samedi 6 Octobre et prend le temps de répondre à mes questions alors que ses amis attendent pour le féliciter.


Andrés, tu es originaire de Séville, quel est ton premier souvenir du baile flamenco ?

Je viens d'une famille de bailaores, une famille de flamencos, alors mon premier souvenir vient de mon enfance.

Qu' est-ce que le flamenco pour toi ?

Pour moi le flamenco est une façon de vivre, j'en ai fait ma profession, mais au début quand j'étais petit je le voyais comme une façon de vivre, parce que mes parents étaient artistes et j'ai grandi avec ce language à la maison.

Pourquoi as-tu choisi le baile et quelle est ta relation au cante ?

J'ai choisi le baile car mon père était danseur et depuis tout petit je ressens beaucoup d'admiration pour lui. C'est lui qui m'a amené à devenir danseur. Ma relation avec le chant est très respectueuse car ma mère est cantaora. Je vis depuis mon enfance dans l'ambiance du flamenco et du théâtre à la maison.

On dit que tu es autodidacte, alors comment as-tu appris ?

Je suis autodidacte en partie. Pour commencer j'ai suivi l'école de mon père et ensuite j'ai eu ma recherche personnelle, mais je n'ai pas étudié avec d'autres professeurs que mon père.

Tu donnes aussi des cours, que t'apporte l'enseignement ?

Oui, je donne des cours, j'adore enseigner. Je viens justement d'ouvrir une école avec d'autres professeurs à Séville.
Lien vers le site de l'école d'Andrés Marin :
Estudio de baile Andrés Marin, "Flamenco Abierto"

As-tu un modèle, quelqu'un que tu admires ?

J'ai toujours admiré tout le monde, car chacun a quelque chose à apporter. Tous les bon artistes sont pour moi une référence.


"Je suis autodidacte en partie" 


 

Quelles sont tes impressions sur le public français ?

Le public français est un public réceptif, et il attend jusqu'à la fin. Tous les publics français ne comprennent pas le flamenco ni le cante, ils ne savent pas toujours quand applaudir, mais c'est un bon public, un excellent public.

Ton équipe est composée de très bons artistes, comment les as-tu choisis ?

Je suis un grand aficionado au flamenco et je parie sur des artistes de première qualité. Pour ce spectacle, Segundo Falcon et José Valencia participent de façon exceptionnelle. Salvador Gutiérrez est devenu mon bras droit sur les trois derniers spectacles. La maturité artistique et la connaissance de toute l'équipe pèse lourd dans la balance. Dans "El Alba del Último Día", l'éventail des styles de cante et de baile est immense. Nous jouons beaucoup les palos existants et primitifs dans leur état pur.

Tes mouvements sont très géométriques, comme des dessins, te considères-tu comme un cubiste du baile ou un ultraïste du baile ?

Oui, on peut dire ça, car comme eux j'utilise beaucoup la géométrie, l'espace, le changement de language.

L'ultraïsme est un mouvement poétique espagnol d'avant-garde du début du 20ème siècle, qui consiste à réorganiser spatialement un poème pour en créer une image artistique.

"Se risquer,


c'est être entre la vie et la mort" 



Durant le spectacle, sur scène, tu es à la fois dans la lumière et la pénombre, tu entres et tu sors d'un cercle au sol, tu mets un pied dans le vide depuis ton échelle, comme si tu étais entre la vie et la mort ou entre deux époques ?

Se risquer, c'est être entre la vie et la mort. Mon baile est audacieux. C'est comme se mettre devant les cornes d'un taureau sur son terrain le plus difficile. Avec nudité et vérité. La chorégraphie de l'échelle, sa signification, c'est la contention de l'espace. L'oppression du gouvernement de Franco à la liberté d'expression et la relégation du flamenco à un état de cirque. Ca s'est produit en un seul jour.

Quand j'ai fait ce spectacle, la dramaturge Salud López a travaillé les deux premières chorégraphies en s'inspirant d'un poème de Mallarmé en relation avec le principe de l'avant-garde. Le poème parle de la recherche de l'absolu. C'est pourquoi la première chorégraphie, la Trilla, est dansée selon la disposition de ce poème. Et il se passe la même chose avec le Martinete...je commence en me rappelant tous les maîtres qui sont passés dans mon esprit et m'ont marqué, en combinant celà avec mes fragments et ma façon de voir depuis ma perspective actuelle. C'est pourquoi il y a beaucoup de pas qui sont aujourd'hui tombés en désuétude.

Tu fais beaucoup de rotations sur scène, il y a même un tableau durant lequel tes mouvements ressemblent à ceux d'une vieille horloge. Quel message souhaites-tu transmettre à ce moment avec ta danse ?

Quand j'exécute ma danse, mes chorégraphies ou que je pense au flamenco, je suis toujours à la recherche du plus ancien...depuis sa naissance jusqu'à nos jours, sans rien rejeter, car tout me paraît très important. Je ne pense jamais le flamenco comme une époque déterminée ou une mode passagère. L'art n'est ni moderne ni ancien...il est vivant ou mort. En définitive, je suis une personne qui navigue dans le temps.

Tu est actuellement en tournée en France, puis tu vas au Festival de Monterrey au Mexique, as-tu d'autres projets artistiques ?

Oui, ensuite je vais en Hollande, puis au Festival de Jerez...J'ai un projet intéressant pour la Biennale, mais je ne t'en dis pas plus car c'est une surprise !

Andrés Marin rejoint ses amis venus le saluer avec leurs enfants. A ce moment, il a sûrement une pensée pour son neveu, nouveau venu sur la planète flamenco, à qui les trois représentations de "EL Alba del Ultimo dia" à Créteil sont dédiées.


Remerciements à ANDRES MARIN, MURIEL MAIRET, ARTE Y MOVIMIENTO et à l'équipe de la MAISON DES ARTS DE CRETEIL.

Questions et traduction : MURIELLE TIMSIT

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flamenco-culture.com - Le 06/10/2007
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